8 décembre 2024, des statues à l'effigie du clan al-Assad chutent partout en Syrie. Les rebelles syriens menés par des islamistes ont pris le contrôle de Damas. Cette entrée dans la capitale marque la fin d'une offensive éclair amorcée le 27 novembre.
En 12 jours, les rebelles ont fait chuter le clan Assad, au pouvoir depuis 50 ans. Le Monde a rassemblé et authentifié les vidéos qui documentent cette offensive. Récit d'une conquête fulgurante.
27 novembre 2024 : cet homme annonce le début de l'offensive. Il est membre du groupe armé islamiste Hayat Tahrir al-Cham, HTC, une ancienne branche d'Al-Qaïda en Syrie. Accompagné d'autres combattants soutenus par la Turquie, il lance l'offensive depuis la région d'Idlib, sous contrôle rebelle depuis 2015.
Premier objectif : Alep. À l'ouest de la ville, d'où viennent les rebelles, les combats font rage. Au moins 200 personnes sont tuées en 48h, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme.
Trois jours après le début de l'offensive, les rebelles prennent le contrôle de la majeure partie d'Alep, de l'aéroport, des bâtiments gouvernementaux et des prisons. À 22h, des images les montrent célébrant leur victoire au cœur de la ville. C'est officiel, Alep, deuxième ville du pays, tombe entièrement le 1ᵉʳ décembre.
C'est la première fois depuis 2011 que la ville échappe dans sa totalité au contrôle des forces du régime syrien. En réponse, le régime et son allié russe bombardent des quartiers d'Alep et d'Idlib. Le 2 décembre, un complexe hospitalier du centre-ville d'Idlib est notamment pris pour cible.
Les rebelles, eux, prennent la route du sud. Les villes tombent une à une, sous l'objectif des combattants qui filment leur progression. Karnaz, le 2 décembre, Souran le 3 décembre.
Au fil de leur avancée, les rebelles saisissent d'importantes quantités d'armes abandonnées par les forces du régime, des avions de type L-39 Albatros ou des chars, comme ce T-90A à de fabrication russe. Le 5 décembre, les rebelles prennent Hama, la quatrième plus grande ville du pays. Le même jour, le régime syrien affirme que la situation reste sous contrôle.
Mais les rebelles poursuivent leur route. Prochaine étape : Homs. Pour le régime syrien, la ville a un intérêt stratégique majeur.
Elle n'est plus qu'à 160km de la capitale, Damas, et surtout, proche d'un bastion du Hezbollah, allié du régime syrien, lieu de fuite potentielle. C'est aussi la porte d'entrée vers l'ouest du pays, où se trouvent deux bases militaires russes, soutien vital du régime. Pourtant, le 7 décembre, la ville tombe en une journée.
En parallèle, la région de Deraa est prise au régime par des forces rebelles locales. Damas est encerclée. Le régime affirme que la capitale reste en sécurité.
Dans les faits, l'heure est au sauve-qui-peut dans la ville. Le 8 décembre, les rebelles convergent vers Damas. Au petit matin, des tirs de célébration retentissent dans la capitale.
Après 12 jours d'offensive et plus de 400km parcourus, les rebelles entrent dans la ville où siège le régime de Bachar al-Assad. Après 24 ans au pouvoir, le dictateur rend les armes. Il prend la fuite et se réfugie à Moscou.
Son immense palais présidentiel sur les hauteurs et sa résidence familiale en centre-ville sont pris d'assaut par les rebelles et les habitants de la ville. Plusieurs prisons de la capitale sont ouvertes par les rebelles, notamment la grande prison de Sednaya, où sont emprisonnés des milliers d'opposants politiques au régime. Le Premier ministre du pays, ici escorté par les rebelles, déclare être en discussion avec le chef de HTC pour organiser la transition.
En fin de journée, ce dernier arrive justement à Damas. Abou Mohammed Al-Joulani, nom de guerre de celui qui utilise désormais son nom civil, Ahmed Al-Charaa, prononce un discours dans l'emblématique mosquée des Omeyyades. Pour le pays, c'est le début d'une période d'espoir, mais aussi d'incertitudes.
En 2016, HTC a rompu avec Al-Qaïda, évincé ses profils les plus radicaux et s'est repositionné comme un mouvement conservateur à l'agenda strictement syrien. Face à cette nouvelle donne politique, plusieurs pays occidentaux évoquent une chance pour la Syrie. De son côté, l'ONU appelle à prendre toutes les mesures pour protéger les minorités syriennes, et notamment les Kurdes, chassés de certains de leurs bastions du nord du pays.
Le 9 décembre, HTC était toujours classé organisation terroriste par les Nations Unies.