Salut. Bienvenue sur Mediapart. Clash inédit à la Maison Blanche vendredi dernier, et ce lundi, Donald Trump qui suspend l'aide militaire à l'Ukraine pour forcer le président ukrainien à signer rapidement un cessez-le-feu qu'il ne lui sera pas possible de négocier. L'Ukraine et son président humiliés par Donald Trump à la face du monde. « La politique américaine coïncide largement avec la nôtre », se félicite le Kremlin. Sous nos yeux, une accélération brutale de l'histoire, trois ans après l'invasion russe en Ukraine, après des décennies aussi où les États-Unis ont servi de parapluie militaire à l'Europe. Depuis, l'UE est
en mode panique. Elle souhaite épauler l'Ukraine face à la Russie, lui garantir un peu de sécurité face à Moscou en cas de cessez-le-feu, et si elle le peut, peser sur les négociations. Mais a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Que peut-elle imposer ? Peut-elle se passer militairement des États-Unis ? Entrons-nous en Europe et en France dans une économie de guerre, terme désormais employé par nos dirigeants ? Et quel sort pour l'Ukraine ? C'est « À l'air libre », l'émission en accès libre de Mediapart. Avec aujourd'hui autour de moi, Fabien Escalona, salut, journaliste à Mediapart, journaliste
politique, mais également co-animateur de « RETEX », notre émission mensuelle sur les questions stratégiques et de défense. - Anna Colin Lebedev, bonjour. - Bonjour. Vous êtes spécialiste de l'Ukraine et de la Russie, maîtresse de conférences à l'université Paris Nanterre et vous avez publié en 2022 ce livre : « Jamais frères ? Ukraine et Russie, une tragédie post-soviétique », aux éditions du Seuil. Pierre Haroche, bonjour, professeur de politique européenne et internationale à l'université catholique de Lille. Vous, vous avez publié l'an dernier « Dans la forge du monde, comment le choc des puissances façonne l'Europe » aux
éditions Fayard. Et puis, avec nous, en visio depuis l'Ouzbékistan, depuis Tachkent je crois, vous êtes en reportage aujourd'hui, Régis Genté. Vous vivez dans la région. Vous vous êtes installé en Géorgie, à Tbilissi, et vous avez publié il y a quelques mois ce livre qui s'appelle « Notre homme à Washington : Trump dans la main des Russes », qui vient de paraître, donc, aux éditions Grasset. Alors, depuis vendredi, je l'ai dit, l'histoire s'accélère brutalement. Elle était peut-être déjà écrite d'ailleurs, vu ce que Donald Trump avait dit pendant sa campagne, sauf que désormais, on parle de la
réalité. Après une rencontre désastreuse à la Maison Blanche vendredi, Donald Trump a suspendu ce lundi l'aide militaire à l'Ukraine face à la Russie. Conséquence immédiate, 1 milliard de dollars d'armes et de munitions en cours de livraison sont gelés. Anna Colin Lebedev, la première question est pour vous, évidemment. Pour l'Ukraine, est-ce que c'est une catastrophe en cours qui se déroule sous nos yeux ? Comme m'a dit un des intellectuels ukrainiens les plus influents, Volodymyr Yermolenko, il l'a dit lors d'une déclaration un peu plus publique, la catastrophe, en fait, nous l'avons déjà vécue. C'était l'invasion de février
2022. Tout le reste, en fait, ce sont des moments durs contre lesquels on doit réagir. C'est aujourd'hui comme ça que les Ukrainiens le prennent. Je pense que les différentes prises de position de Donald Trump avaient déjà clairement indiqué le basculement, en fait, des États-Unis en faveur de la Russie. Donc, aujourd'hui, les Ukrainiens, en fait, se posent la question, en réalité : ce manque de ressources qui nous venaient des États-Unis, qu'est-ce que ça va impliquer sur le champ de bataille ? Comment on peut s'adapter ? Quelles solutions on peut trouver ? Ils sont déjà dans la
réflexion sur la manière de continuer la guerre sans le soutien des Américains. Donc vous dites qu'ils sont déjà, finalement, un peu à l'étape d'après et qu'eux, ils ont vécu tellement de choses ces trois dernières années que, peut-être, l'écho que nous, nous ressentons comme quelque chose de très brutal, n'est pas du tout ressenti de la même façon en Ukraine. Ce qui est ressenti très brutalement, c'est le choc de ce qui est perçu comme une trahison des États-Unis, qui était vraiment vu comme un partenaire extrêmement important, central, de l'Ukraine, en premier lieu au niveau des valeurs, et
en deuxième lieu au niveau du soutien. Mais je pense que la trahison en termes de valeurs a une importance. Pierre Haroche, quelles conséquences très concrètes la suspension des aides militaires, ça a, pour l'Ukraine, face à la Russie, là, aujourd'hui ? Alors, je suis d'accord, c'est pas quelque chose que l'Ukraine a pas du tout anticipé, parce que comme l'Ukraine recevait des armements au compte-goutte, l'Ukraine a aussi beaucoup investi pour développer sa base industrielle de défense. Grosso modo, qu'est-ce qui a ralenti l'avancée des Russes ou les empêche d'avancer sur le front ? C'est d'abord des munitions. Et
ça, il y a eu un effort aussi des Européens pour augmenter leurs capacités de production. On est en train de parler, de relancer la promesse d'un million d'obus, ce qui avait déjà été fait en 2023, de la relancer avec un nouveau plan plus ambitieux. Donc ça, c'est possible de le faire avec les Européens. D'ailleurs, les Américains ne produisent pas tant que ça de munitions classiques. Et ensuite, surtout, et ce qui est produit par les Ukrainiens, c'est les drones, et ça, ça a été un petit peu la révolution technologique de cette guerre. Et maintenant, la montée
de la capacité de production de l'Ukraine, elle est assez impressionnante. Ils en produisent plusieurs millions. Donc, pour ce qui est de la vie quotidienne sur le front, je pense qu'il y a des stocks, des choses qu'ils peuvent produire, des choses que les Européens peuvent produire. Après, il y a des choses un peu plus sophistiquées qui, là, posent problème, sur la défense anti-aérienne, les missiles Patriot, qui sont rares et chers, et là, c'est une technologie particulière américaine, et puis, il y a aussi quelque chose qui se voit moins, qui est le renseignement, les satellites militaires qui
peuvent donner des renseignements sur les cibles aux Ukrainiens, mais je pense qu'il y a une différence entre la capacité quotidienne à tenir sur le front qui, à mon avis, est possible, et puis, le moyen-long terme. Mais je pense que pour les Ukrainiens, là, c'est pas forcément impossible de continuer la guerre en se disant qu'il faut mettre les Russes face à une situation où c'est pas simplement l'Ukraine qui capitule. Je pense que ça, c'est possible. Ce n'est pas forcément possible de renverser la vapeur sans les États-Unis, mais c'est possible de montrer que l'Ukraine ne se rend
pas à n'importe quelles conditions. De laisser traîner, d'une certaine façon, ce conflit. On reviendra après, de toute façon, plus précisément sur l'Union européenne et finalement ces nouveaux mécanismes de défense qu'elle veut mettre en place. Régis Genté, vous êtes avec nous. Merci encore. Vous, vous vivez en Géorgie, pays limitrophe de la Russie, où un nouveau président pro-russe vient d'arriver au pouvoir. Est-ce qu'on se dit, là où vous vivez, et est-ce que vous vous dites, vous qui connaissez très bien ce monde de l'ancien URSS, que le grand vainqueur de ces trois jours qu'on vient de vivre, c'est
Vladimir Poutine ? Oui, ça paraît assez évident aujourd'hui, même si, évidemment, tout le processus est très complexe. On ne sait pas ce que deviendra l'Europe et dans quelles mesures ça pourra gêner les ambitions de Poutine. Mais manifestement, oui. D'abord parce qu'un des fondamentaux de la politique étrangère russe, bien avant Poutine d'ailleurs, ça a été toujours de compenser ce qu'on appelle la puissance pauvre qu'est la Russie. Économiquement parlant, c'est la neuvième puissance mondiale. En jouant des muscles, en utilisant la force, son armée, son KGB, c'est de se hisser plus haut qu'il n'est en réalité sur la
scène internationale. Et là, Trump fait un cadeau extraordinaire à monsieur Poutine, puisqu'on a l'impression que les deux plus grandes puissances du monde, depuis des semaines, ce sont les États-Unis et la Russie, alors qu'il y aurait tout à fait, pour un pays aussi puissant que les États-Unis, par exemple sur le dossier ukrainien, de quoi négocier. On sait que sur le front, par exemple, c'est très compliqué pour la Russie. Il faudrait sans doute des années pour arriver à conquérir, à faire des avancées significatives dans le territoire ukrainien, et donc atteindre les objectifs de la Russie. Donc, il
y aurait tout à fait le moyen de négocier et on ne le fait pas, et au contraire, la Russie est comme placée sur un piédestal dans cette situation. Fabien, ce moment, il est aussi historique, on déroule tout le prisme, toutes les facettes de cette affaire, parce que les principaux dirigeants de l'Union européenne ont affiché leur soutien à l'Ukraine ce week-end. Mais la réalité, c'est que les États-Unis et l'UE, théoriquement alliés au sein de l'OTAN, divergent aujourd'hui désormais largement. Oui, en fait, il y a beaucoup de spécialistes qu'on interroge qui vont dans le même sens en
disant que, depuis 80 ans que l'Alliance atlantique existe, c'est peut-être une des plus graves crises ou la plus grave crise qu'elle ait jamais connue, et elle a survécu, on le sait, à la guerre froide, parce qu'aussi, c'était une alliance militaire spéciale dans le sens où elle avait un substrat politique, elle réunissait des démocraties libérales, et même si les États-Unis pouvaient se comporter mal ailleurs sur la planète, avec les Européens, ils les traitaient quand même comme des démocraties libérales, même s'ils étaient la plus puissante d'entre elles. Et ça, clairement, ça se retourne. On l'a pas évoqué
là, on a parlé de ce qu'on a vécu ces derniers jours, mais auparavant, on avait déjà parlé de bascule au moment du discours du vice-président américain - JD Vance. - On va le voir tout à l'heure. À la conférence annuelle sur la sécurité à Munich. Il y a eu les votes à l'ONU sur plusieurs résolutions où on a vu ce fameux rapprochement américano-russe qui allait à l'encontre de ce qu'avaient essayé de faire les États-Unis sous Biden et de longue date. Et donc là, pour la première fois, on a vu une divergence politique et même une
attaque politique de la part de la plus grande puissance de l'Alliance contre les autres membres de l'Alliance, et donc contre le modèle de démocratie libérale, de la part d'une puissance qui, elle-même, est sur une pente autoritaire, voire fascisante sur certains aspects. Et ça a donné lieu aussi, pour terminer, à des déclarations historiques. Pour pas faire toute la litanie, on peut prendre le cas des Allemands, parce qu'eux, ils ont une tradition atlantiste depuis la Seconde Guerre mondiale. Et on a vu le futur chancelier Friedrich Merz, qui est très connu justement pour son atlantisme, qui a eu
cette fameuse phrase où il envisageait de s'émanciper de la protection américaine, et la ministre des Affaires étrangères encore en exercice, écologiste, qui, elle, a parlé d'une « ère d'infamie » après ce qui s'est passé ce week-end, et ça, c'est vrai qu'on n'avait jamais entendu ce genre de chose. L'Allemagne qui s'interroge aujourd'hui sur la réintroduction du service militaire obligatoire selon Bild-Zeitung. Voilà. Ça avait créé une levée de boucliers quand Pistorius, le ministre de la Défense, l'avait évoqué il y a quelques mois ou un peu plus longtemps. Et là, la question revient sur le tapis. Et pour
terminer, c'est Frédéric Charillon qui me l'avait dit dans un entretien en disant : peut-être oui, peut-être que Vladimir Poutine est le gagnant à court terme, mais attention, là, Trump aussi, ce qu'il fait, c'est qu'il met en péril tout le réseau d'alliances que les États-Unis ont construit depuis 80 ans, dans le sens où il envoie le signal que, pour le coup, il ya a pas de fiabilité des États-Unis. Alors, on va revenir sur ce clash. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky était reçu vendredi par Donald Trump, en théorie pour signer un accord sur les minerais rares ukrainiens,
prélude d'un hypothétique cessez-le-feu. On y revient, c'est important, parce qu'on ne l'a pas forcément vu dans la longueur. À la Maison Blanche, Volodymyr Zelensky est reçu par Donald Trump. Alors, dès l'accueil, ça part mal. Remarque déplacée de Trump sur l'absence de costume face à un président ukrainien en guerre. Une conférence de presse débute dans le Bureau ovale en présence du vice-président JD Vance et d'une nuée de journalistes choisis par la Maison-Blanche. Volodymyr Zelensky balaye les questions parfois ridicules. Sa préoccupation à lui, ce sont les garanties de sécurité pour l'Ukraine s'il y a un cessez-le-feu, et
quand le nom de Poutine est évoqué, c'est le premier clash. Zelensky tente d'argumenter, mais après la première salve de Vance, c'est au tour de Trump d'entrer dans la danse. Echange de plus en plus tendu. Zelensky répète qu'il veut un cessez-le-feu avec des garanties. Trump exige que Zelensky prenne ce qui est sur la table. Le ton monte encore. Trump assène le coup de grâce. Zelensky, après ça, quitte le Bureau ovale, puis les États-Unis. L'accord sur les minerais ukrainiens est suspendu, il le reste aujourd'hui. Tout au long du week-end, c'est important à signaler, avant même l'annonce de
la suspension des aides militaires à l'Ukraine, plusieurs dirigeants américains ont carrément dit qu'ils souhaitaient un autre président en Ukraine, On voit Trump, Pierre Haroche, nous dire : « C'est un très bon moment de télévision. » Il y a eu beaucoup de commentaires pour savoir si c'était un piège prémédité ou pas. Est-ce que l'important, c'est pas de savoir si ce clash, c'était pas juste une façon, finalement, de créer un événement qui justifie, pour les États-Unis, le fait de régler le plus vite possible cette question de l'Ukraine, quelles qu'en soient les conditions - pour les Ukrainiens ?
- C'est une interprétation possible. Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'était volontaire ou si c'est simplement la dynamique de la discussion qui a fait que chacun a voulu révéler le fond de sa pensée, mais je pense que ce qui est important, c'est de voir précisément qu'il y a une forme de sincérité non seulement chez Zelensky, qui essaie de défendre ses arguments, mais aussi chez les Américains, parce que toute cette séquence dans laquelle non seulement Zelensky mais aussi Macron, Starmer, et puis en fait, on continue un peu sur cette logique à dire :
il faut renouer le dialogue avec les États-Unis, on va leur montrer que, d'une manière ou d'une autre, ils peuvent avoir un incitatif à, d'une manière ou d'une autre, donner des garanties de sécurité... Je pense que là, les Américains montrent clairement... - Là, c'est très clair. - Ce qu'ils ont déjà montré en parlant de coopération avec la Russie, qu'en fait, ils ont un objectif différent. C'est-à-dire que les Ukrainiens et les Européens, il n'y a pas de grosse différence là-dessus. Ce qu'ils se disent, c'est : les garanties de sécurité, c'est-à-dire l'avenir de la sécurité européenne. Mes Américains
voient la fin de la guerre en Ukraine comme un moyen pour passer à autre chose, pour se dire : est-ce qu'on pourra parler avec les Russes de distendre leurs relations avec les Chinois, de questions énergétiques, de Moyen-Orient, de revoir un petit peu les relations entre hommes forts ? Pour eux, c'est un problème qu'il faut évacuer. C'est pour ça qu'ils sont pressés. Ils ne sont pas pressés de résoudre la question ukrainienne, ils sont pressés de ne plus avoir à s'en occuper. C'est ça qu'on voit. Je pense que l'exaspération qui se manifeste, elle se manifeste contre Zelensky
parce que comme dit Trump, c'est le faible : c'est facile de taper sur le faible. C'est peut-être plus facile de taper sur Zelensky que sur le Premier ministre britannique ou le président français, mais dans le fond, je pense que c'est dans la continuité. C'est une exaspération à l'égard des Européens en disant : « Pourquoi vous nous embêtez avec des histoires de sécurité ? On ne considère pas que c'est un problème, la Russie. » Or, Anna Colin Lebedev, la question des garanties de sécurité, on le voit bien dans cet entretien, il ne dit que ça, Zelensky.
C'est très important, évidemment. Est-ce que... Puisque là, du coup, ce que semble proposer Trump, c'est à la fois : pas de garanties de sécurité et des concessions territoriales sur la base de ce qui existe aujourd'hui dans la cartographie du conflit, donc des concessions territoriales très importantes pour les Ukrainiens. Est-ce que la peur de la société ukrainienne, c'est d'être, finalement, complètement sacrifiée par un deal très rapide et qui, en plus, ne protégera rien pour les années à venir ? Je pense que les contours du deal, de toute façon, n'ont jamais été évoqués dans cette histoire. Quelles
seront les concessions qui sont demandées à l'Ukraine ? Est-ce qu'on demandera, probablement pas, mais est-ce que les États-Unis ont envisagé de demander quelque chose à la Russie en contrepartie ? La discussion n'est jamais arrivée jusque-là, mais, effectivement, le fait même que Trump refuse de parler de garanties de sécurité en disant : « L'intérêt des Américains à investir économiquement dans votre pays, c'est une garantie de sécurité suffisante », c'est extrêmement inquiétant pour les Ukrainiens parce que, précisément, leur confiance à l'égard de la capacité de la Russie à respecter ses engagements est extrêmement faible, je dirais plutôt
inexistante. Donc ils ont bien la sensation que, dans cette configuration-là, ce que l'on signe, en fait, les met en danger et laisse la voie ouverte à la Russie pour n'importe quelle agression future. D'autant plus qu'il y a cet accord sur les minerais sur lequel on passe souvent très rapidement, mais quand même, c'est un accord énorme qui, en termes de souveraineté, n'est pas du tout évident pour un pays comme l'Ukraine. C'est-à-dire que c'est l'accès des Américains aux minerais, aux minerais rares de l'Ukraine. Ce n'est pas rien, quand même. On ne parle pas de rien. La première
proposition de cet accord qui avait été faite par l'administration américaine était encore plus... encore plus à l'avantage des États-Unis et mauvaise pour l'Ukraine, dans la mesure où il s'agissait, pour les États-Unis, de récupérer tout l'argent qui pouvait être tiré des ressources en minerais rares comme remboursement de l'aide américaine qui avait été déjà accordée. Donc il n'était pas du tout question de parler d'investissements dans l'avenir, pas du tout question - de parler de reconstruction. - C'est rembourser les dettes. C'était considérer l'aide accordée comme une dette, et prendre ça comme un remboursement. Les termes de l'accord qui
n'a pas été signé, mais qui a été rendu public, en fait, étaient beaucoup plus à l'avantage de l'Ukraine, puisqu'il supposait un fond de reconstruction où des investissements devaient avoir lieu à l'intérieur de l'Ukraine, mais bien évidemment, ça ne constituait absolument aucune garantie de sécurité. Même s'il y avait une phrase disant, dans cet accord, que les États-Unis s'engageaient à veiller à la sécurité de l'Ukraine, mais ça n'engageait absolument pas le pouvoir américain. Fabien, l'Ukraine dit qu'elle est toujours d'accord pour signer dès que possible cet accord sur les minerais, et en même temps, le Premier ministre ukrainien
l'a redit aujourd'hui : pas de pertes territoriales, ce n'est pas possible à concevoir pour les Ukrainiens. Oui, alors, en même temps, je pense qu'il y a aussi eu des signaux comme quoi, en réalité, ils sont prêts à certaines pertes, mais la vraie question, c'est les garanties de sécurité. Pour compléter ce que disait Anna tout à l'heure, pour ceux qui n'ont pas en tête l'histoire du conflit, il y a quand même ce précédent de 2014 où il y avait déjà eu... - Explique-nous, c'est important. - ...le Donbass d'envahi. Il y a eu ce qu'on a appelé
les fameux accords de Minsk, que les Européens, France-Allemagne notamment, étaient parvenus à obtenir de Vladimir Poutine où il y avait un cessez-le-feu. Ça devait s'arrêter, en théorie, et ça n'a pas été respecté par manque de garanties de sécurité et aussi pour des raisons plus techniques, on va dire, d'ordre dans lequel devait être appliqué cet accord de cessez-le-feu. On a fait un « RETEX », d'ailleurs, avec notamment Marie Dumoulin et Dimitri Minic, - qui nous avait bien expliqué ça. - C'est comme ça que ça part. On l'a vu dans l'extrait, c'est comme ça que ça part.
C'est là où la discussion entre Zelensky et Trump devient compliquée, quand Zelensky rappelle ça. Voilà, exactement. Il a évidemment en mémoire ce précédent-là, c'est sûr. Régis Genté, vu de là où vous vivez, vu de la Géorgie et avec votre expertise de journaliste, est-ce que, finalement, on a eu cette discussion, est-ce que vous... On parlait justement de ces garanties de sécurité, de quel cessez-le feu... Est-ce qu'on se dit, dans les pays limitrophes de la Russie, que Trump est en train de laisser Poutine faire ce qu'il veut en Ukraine, dans d'autres pays ? Depuis ce matin, il
y a différents pays, finalement, très proches de la Russie, qui s'inquiètent beaucoup de ce qui est en train de se passer. Oui, absolument. La Géorgie, d'ailleurs, est repassée politiquement, si j'ose dire, dans l'orbite russe, c'est en train de se faire. Pas militairement, même si la guerre en Ukraine, il faut toujours le rappeler, elle a commencé en Géorgie en 2008. C'est la même guerre, les mêmes motivations, les mêmes modus operandi, mais, depuis, en Géorgie, avec un oligarque qui tient ce pays, qui est quelqu'un qui est complètement inféodé à la Russie. On a vu ce pays basculer
l'an dernier et là on voit se mettre en place un régime de type russe avec tout un arsenal juridique répressif et qui va bientôt permettre de contrôler complètement les médias et puis surtout, d'empêcher la liberté de réunion dans le pays. Donc, c'est une autre victoire qui est en train de se faire. C'est vrai que c'est toute la zone. On sait, par exemple, je crois que c'est en 2017, c'est le général McMaster, au Conseil de sécurité, qui a révélé ça dans son livre et qui dit que Poutine parlant à Trump, et ça me permet de compléter
ma réponse de la première question, lui avait dit : « Tu as ta doctrine Monroe pour les États-Unis, donc cette doctrine des sphères d'influence régionale, tu aimes beaucoup Theodore Roosevelt qui était le tenant de cette doctrine Monroe version impérialiste, eh bien moi, je veux aussi ma doctrine Monroe, mais je la veux pour l'ancien espace soviétique. » C'est l'autre victoire, certainement, de Poutine sur Trump, c'est qu'en fait, il a réussi à montrer qu'il était sur la même ligne. Quand Trump parle d'acheter le Groenland, c'est-à-dire de l'annexer, ou le Canada, ou d'agresser le Panama pour son canal,
on a l'impression qu'il dit : « On a le droit de faire ça, on a le droit de faire, aussi, ce que la Russie fait à l'Ukraine. » Alors, « même ligne », disiez-vous. Justement, si on regarde un peu ce qui s'est passé ces derniers jours : le Kremlin salue la ligne américaine sur le dossier ukrainien qui, dit-il, coïncide largement avec la sienne. Hier, le ministre de la Défense américain, Pete Hegseth, a ordonné au Pentagone d'arrêter les cyber-opérations offensives contre la Russie. Trump a même dit sur son réseau social hier : « On devrait passer
moins de temps à s'inquiéter de Poutine et plus de temps à s'inquiéter des gangs de violeurs, migrants... » tout ce qu'il dit en permanence, « ...afin de ne pas finir comme l'Europe. » C'est là où c'est intéressant, ça fait référence à ce que disait Fabien, tout à l'heure, c'est que ce n'est pas juste une opposition sur la question stratégique ou sur la question de quoi faire face à l'Ukraine, comme disait Pierre Haroche, c'est qu'il y a deux semaines à peine, le vice-président JD Vance a prononcé à Munich un discours très important où il dénonce l'Europe
comme un continent qui menace la liberté d'expression. On regarde. Les mots sont quand même très importants, Pierre Haroche. « Commissars », donc, en rappelant l'Union soviétique, il parle d'ailleurs de l'ère soviétique : l'Europe, en gros, serait rentrée dans une ère soviétique pour clore la liberté d'expression. Il dit aussi, dans ce discours : « Ben voilà, vous vous attaquez les croyants en Europe et l'immigration de masse est le principal défi de l'Europe. » Il n'y a pas juste deux visions opposées sur l'Ukraine, c'est deux visions du monde. C'est une opposition culturelle très claire. C'est pour ça,
je mettrais ça en lien avec ce qu'on disait en commentant la dispute à la Maison Blanche. C'est-à-dire que ce n'est pas simplement un échauffement ponctuel qui a mal tourné entre deux personnes. Je pense que c'est vraiment la pointe émergée d'un iceberg qui est beaucoup plus vaste et remonte à beaucoup plus loin. C'est-à-dire que les États-Unis considèrent qu'ils n'ont plus les mêmes objectifs, que l'Europe n'est pas la priorité qu'elle était et que même, je dirais, d'un point de vue civilisationnel, c'est-à-dire à la fois en termes économiques, politiques, militaires, cultures, éthiques, etc., si on fait la somme
de toutes ces dimensions, ils s'éloignent de plus en plus. C'est déjà quelque chose que j'entendais de la part des Républicains bien avant la deuxième élection de Trump, de dire : « On n'arrête pas de nous parler de la communauté occidentale, de la communauté euratlantique qui ne devrait jamais avoir une minuscule fissure parce que c'est ensemble, mais ce n'est pas vrai. On est très différents. Les valeurs que promeuvent les Européens, c'est pas les nôtres, ils ne comprennent pas nos valeurs à nous, les Républicains trumpistes aux États-Unis. » Donc je pense qu'effectivement, c'est aussi quelque chose qui
devrait nous encourager à ne pas passer trop de temps sur le calcul diplomatique en disant : « On va colmater une petite brèche qui est un malentendu. » Non, il n'y a pas de malentendu. Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas faire des choses avec les Américains ou qu'on ne peut pas négocier certaines choses, mais ce n'est pas un malentendu qu'on va soigner. C'est pas en lui tapant sur l'épaule que ça va aller mieux. Parce que beaucoup de gens, il faut quand même le dire, beaucoup de gens se sont dit, et même quand
il a été réélu : « On va lui proposer un deal, il adore les deals ! C'est formidable, on va lui proposer un deal et puis on va le flatter parce qu'il est très égocentrique. Alors, en le flattant, ça marchera. » Ou alors, et c'était un peu ce que disait Macron : « Tu es un homme fort, donc si tu es un homme fort, il ne faut pas que tu sois faible face à Poutine », une espèce de motivation psychologique. Je pense que tout ça était un peu infantilisant et c'était une façon pour nous de
ne pas regarder la réalité en face : on a une puissance indépendante, les États-Unis, qui ont fait un choix qui n'est pas le même que nous. Ce qui menace... C'est pour ça qu'il y a ce sentiment de vertige autour duquel tourne l'émission, c'est ce sentiment que c'est une sorte de multipolarité. Ce n'est plus le monde unipolaire d'avant. Ça fait un moment que ça se craquelle, une sorte de multipolarité un peu dystopique où on a des sortes d'hommes forts qui, effectivement, comme le disait Régis Genté, essayent de se constituer leur sphère d'influence en ne s'embarrassant plus
des principes libéraux minimaux, pas ceux que Vance dit, parce qu'il travestit tout, il renverse le langage complètement, mais ne s'embarrassant plus des principes libéraux minimaux qui sont censés tenir des démocraties libérales. J'ajoute, pour terminer, que ce qui est dangereux, ce n'est pas seulement que ces hommes forts, même s'ils peuvent avoir des rivalités, s'épaulent contre ces démocraties libérales, c'est aussi qu'à l'intérieur des démocraties libérales, il y a évidemment des fragilités. Le discours de Vance, il est accueilli avec délectation par toute une série de forces, notamment d'extrême droite, dans nos pays : en France, en Italie, en
Hongrie... Enfin, bon, on peut faire la liste de forces de droite nativiste qui, elles aussi, communient contre l'immigration, contre les minorités qui parlent trop fort et ainsi de suite. Elles n'auront pas de souci, même si elles se réclament patriotes, à s'aligner sur un tel discours. Régis Genté, votre livre documente précisément la façon dont Trump, s'il n'est pas forcément un agent de Moscou, a été a minima traité par le KGB dans les années 80 quand il est venu en Russie faire des affaires, à la fin des années 80. Alors, la question est simple : c'est un
agent russe, Trump, ou c'est plus compliqué que ça ? C'est un peu plus compliqué, d'abord parce que pour faire un bon agent, c'est bien si, en plus, il y croit. Pour dire les choses autrement, on peut dire que l'ADN politique de Trump, son isolationnisme, son goût pour la force dans les relations internationales et dans les relations privées aussi, d'ailleurs, son peu de goût pour la démocratie et les régimes libéraux font qu'il en faisait quelqu'un de compatible, avec ce qu'on pense et ce qu'on veut à Moscou, que ce soit sous l'URSS et depuis, notamment, sous monsieur
Poutine. Ensuite, ce qu'on sait, c'est qu'il n'a jamais été un agent. Ce n'est pas quelqu'un qui est payé pour ramener du renseignement ou faire un travail d'influence. En fait, ça lui a fait gagner beaucoup plus d'argent. Il est ce qu'on appelle, dans le jargon du KGB, un contact confidentiel. Ça, c'est des sources, dans le renseignement américain, qui me disent tenir ça de leurs collègues russes. Donc le contact confidentiel, c'est quelqu'un qui est une sorte de compagnon de route, on pourrait dire. Il ne sait pas forcément qu'il travaille pour le KGB, par exemple, ou le FSB
aujourd'hui, mais qu'on accompagne, à qui on fait rencontrer des gens, on crée de l'entregent pour lui, on fait circuler de l'argent à travers ses affaires, etc. Donc ça fait quelqu'un qui est un peu un obligé, qui sait plus ou moins qu'il est dans cette relation, qui peut dire qu'il y adhère parce qu'il est contre tel ou tel régime et qu'il se sent plus proche de monsieur Poutine, par exemple. Et son premier voyage, effectivement, en juillet 1987 est un voyage dont on sait à peu près comment il a été monté et c'est une pure opération du
KGB. Ça, c'est certain. C'est le début de la culture, où on le cultive véritablement et ensuite, on voit toute une galerie de portraits qui n'apportent pas la preuve que c'est un agent et je ne le dis pas, bien sûr, et même pas que c'est un contact confidentiel, mais en tout cas, qui viennent confirmer l'hypothèse de manière très forte, parce que c'est une galerie impressionnante de personnages parfois, qui sont des mafieux, parfois des oligarques, parfois des diplomates, et qui tournent autour de Trump à des moments clés. Parfois, quand il est près de faire une faillite, tout
d'un coup, il y a de l'argent qui arrive, ou bien en 2008, lors de la crise financière, tout d'un coup, quelqu'un, un milliardaire russe, lui rachète sa villa de Palm Beach en lui faisant faire une plus-value de 50 millions sur quatre ans, alors que le marché immobilier est resté stable en Floride, par exemple. Donc voilà, c'est comme ça qu'il semble avoir été cultivé et ce qui rend effectivement plausible ensuite que... Par exemple, pendant 40 ans, j'ai vraiment bien vérifié, je crois qu'il n'y a aucune déclaration de Poutine un peu critique à l'égard de l'URSS ou
de la Russie, pas une seule. Et à chaque fois, il a, au contraire, joué pour dire exactement les choses qu'on voulait entendre à Moscou. Par exemple, à son retour de voyage, en 87, il fait une lettre ouverte qu'il publie dans trois grands journaux, les plus grands journaux américains, pour dire : « Il faut arrêter de financer les autres pays membres de l'OTAN », qui est quelque chose qu'on entend dans le Parti républicain à l'époque, donc peut-être que c'est de ça dont il est question, sauf que ça vient juste après son voyage à Moscou. Donc ça
continue, et en permanence, on a ce genre de doute qui est instillé et on en a vraiment énormément, comme ça. Oui, alors justement, on va la voir, cette page. Le 2 septembre 1987, en effet, Donald Trump, de retour de Moscou, se paye une page de pub très chère dans les plus grands quotidiens du pays. Ça, c'est le New York Times du jour. Une lettre ouverte qui dit que les États-Unis devraient arrêter de payer pour les pays qui peuvent se défendre eux-mêmes. C'est exactement sa ligne, aujourd'hui. Et d'ailleurs, le jour même, il est chez la mégastar
de CNN à l'époque, Larry King. Un auditeur lui pose une question sur l'OTAN. Vous allez entendre l'auditeur et la réponse de Trump. Régis Genté, on devrait pas être surpris. C'est ça que, finalement, ça montre. En fait, il y a cet épisode, mais plus récemment, Donald Trump avait déjà, pendant son premier mandat, menacé de quitter l'OTAN à plusieurs reprises. Il a même déjà suspendu des aides à l'Ukraine. On s'en rappelle pas forcément, mais c'était en 2019, parce que Zelensky refusait de lui livrer des infos soi-disant compromettantes sur Joe Biden et sa famille. Oui, c'est ça. En
fait, il est très prévisible. Évidemment, lorsqu'on pose la question à monsieur Poutine, pendant la campagne électorale, « est-ce que vous êtes pour Biden ou Harry ou pour Trump ? », il dit « pour Biden et Harris » parce qu'ils sont beaucoup plus prévisibles. On voit bien que c'est le contraire qui est la réalité, quoi. Donc ça, c'est effectivement très, très important. Oui, c'est quelqu'un qui est toujours sur ces signes-là, qui fait d'énormes cadeaux en permanence, en fait, à la Russie, sur les dossiers les plus importants, sur la question de l'OTAN. Il avait même commencé comme
ça en 1984. Donc avant même qu'il soit cerné, enfin, traité par le KGB, il voulait s'improviser comme le négociateur en chef du nucléaire pour le désarmement nucléaire dans l'administration Reagan. Et là, on a tout Trump. Un journaliste lui dit : « Mais qu'est-ce que vous feriez ? » Il dit : « Les grands États comme nous, et puis l'URSS, on reste à peu près au niveau, on désarme un peu de conserve, mais tout va bien. » Donc énorme cadeau pour Moscou. « Et puis, les petits États comme le Pakistan et la France, eux, on leur
met une pression maximale pour qu'ils abandonnent leur armement nucléaire. » Et là, on avait tout Trump, celui des grands États, celui qui est absolument indifférent aux petits États, et déjà une forme de fascination, ou quelque chose comme ça, envers Moscou. Anna Colin Lebedev, pourquoi c'est important, cette discussion, pour les Ukrainiens ? Vous regardez souvent le lien entre les sociétés ukrainiennes et russes, c'est le cœur de votre livre. Alors peut-être, avant de parler des sociétés, notez quand même le changement que ça implique pour Moscou dans son récit idéologique de ce qui est en train de se
passer et de la guerre que la Russie est en train de conduire, puisque le récit qui a été donné jusqu'à maintenant est : « Nous combattons contre l'Occident collectif... » Alors on voit bien que cet Occident collectif, ça ne tient manifestement plus. « ...dont les marionnettes, en fait, sont les Ukrainiens. » Donc, je dirais que c'est assez facile à la Russie d'ajuster aujourd'hui son discours sur l'Ukraine en disant que la marionnette a échappé à son créateur. Mais en revanche, savoir comment se positionner par rapport à ces États-Unis qui tout d'un coup deviennent des alliés avec
lesquels on partage effectivement... Le pouvoir russe partage avec ces États-Unis un certain nombre de valeurs. On a parlé de la valeur de la force, de l'importance des grands, en fait, dans la répartition des sphères d'influence dans le monde. Mais il y a aussi, par exemple, cet attachement partagé, que les Russes vont souligner, à ce qui s'appelle des valeurs traditionnelles, c'est-à-dire un certain conservatisme au niveau des valeurs où là, il y a effectivement une communauté idéologique qui peut être créée. Pour l'instant, les Russes sont très embêtés parce qu'en réalité, l'Occident collectif se réduit aujourd'hui à quelques
pays européens et donc, le discours de « on ne peut pas les vaincre parce qu'on a toute la puissance de l'Occident contre nous » va devoir être ajusté. Pierre Haroche, vous êtes d'accord ? Oui, quand on disait... C'est vrai que quand on entend Trump dans les années 80, c'est exactement mot pour mot ce qu'il dit aujourd'hui. Ce qui a quand même changé, c'est qu'avant, il pouvait y avoir des signaux plus ambigus. Pendant le premier mandat de Trump, on voyait Trump qui disait ce genre de choses, mais dans le même temps, le budget du soutien militaire
à l'Europe qui montait. Et puis, dans le même temps, on avait l'impression que ses conseillers autour de lui étaient les premiers convaincus qu'il disait n'importe quoi et qu'il fallait un petit peu l'éduquer. Et puis, en faisant quelques manœuvres diplomatiques, il commençait par dire : « Non, l'OTAN c'est pas bien, c'est obsolète. » Et après, on arrivait à lui faire dire : « Si, je soutiens l'article 5. » Donc on s'est un peu entretenus dans cet entre-deux où on se disait : « Bon, c'est un problème, mais on va arriver à le corriger. » Or, le
deuxième mandat de Trump, ce qui est frappant, et je pense que c'est aussi pour ça qu'il accélère et qu'il enfonce le clou, c'est que là, il arrive avec des convictions, entouré de gens qui ont théorisé ses convictions, qui les ont écrites. JD Vance, ça fait très longtemps qu'il théorise aussi ces idées de Trump. Il y a tout un tas de gens qui en ont fait une sorte de doctrine en disant : « L'Europe, c'est fini, c'est plus intéressant et on n'a pas les mêmes valeurs. » Donc aujourd'hui, c'est quelque chose de très construit. C'est plus
des clashs entre lui et ses conseillers proches et on peut plus avoir l'impression qu'il faut arriver à lui faire dire « j'aime l'article 5 » et ça y est, la question est résolue. Et c'est aussi parce qu'il y a la guerre. C'est encore plus dangereux, ce genre de discussions, dans ce cadre. Est-ce que vous nous dites qu'il faudrait peut-être arrêter... que les dirigeants européens arrêtent de faire comme si Donald Trump était, finalement, en tant que président des États-Unis, l'allié évident qu'il a toujours été ? En tout cas, je pense que ça ne sert à rien
de répéter, comme on le fait encore : « Rien n'est possible sans lui... » Il y a deux choses qu'on devrait arrêter de dire et simplement, je pense que c'est contre-productif à l'égard des Américains et des Russes. Continuer à dire « rien ne sera possible sans les Américains », ça envoie un message de faiblesse et en fait, je pense que ça les énerve et ça les incite plutôt à prendre leurs distances. Quand on dit que rien ne sera possible sans les Américains, ils ont l'impression que ça veut dire : « On voudrait que ce soit
vous qui fassiez tout. » Ils ont l'impression qu'on essaye de les piéger, qu'on doit leur forcer la main. Ce serait beaucoup plus logique de dire : « Voilà ce que nous allons faire. Quoiqu'il arrive, on a un plan, on a des objectifs, et ensuite... » Et c'est un petit peu ça que les Français et les Britanniques ont commencé à dire dimanche. « ...et ensuite, une fois qu'on a un plan et des objectifs, mais notre plan autonome, on va vous voir et vous demander ce que vous en pensez, et si vous voulez participer. » Et la
même chose avec les Russes. Je pense qu'on passe beaucoup trop de temps à dire : « Tout est conditionné à un traité de paix. » Je pense que cette idée de paix, évidemment, dans l'absolu, en tant que valeur, c'est intéressant. Mais parler d'un traité de paix, c'est dire que tout doit être signé par Poutine. Évidemment, idéalement, ce serait très bien que les Russes signent des conditions favorables pour la sécurité européenne, mais il ne faut pas être naïfs, et il y a plein de conflits... Je sais pas, la guerre de Corée ou même la Seconde Guerre
mondiale, où il y a eu un traité de paix qu'en 90, où il faut attendre beaucoup de temps pour mettre les choses à plat. Donc on ne devrait pas s'interdire, comme pendant la guerre froide, de faire des choses aussi de façon unilatérale. Et je pense que si les Européens avaient un petit peu plus d'audace et de résolution, je pense que Poutine et Trump les écouteraient plus. Dimanche, il y a donc eu, vous m'offrez une transition parfaite, cette réunion de chefs d'État à Londres. Zelensky, accueilli chaleureusement par Keir Starmer, rejoint par Emmanuel Macron, mais aussi, on
va le voir, Giorgia Meloni, la Première ministre d'extrême droite italienne proche de Trump. Un sommet dont les conclusions sont : plus d'aide militaire à l'Ukraine, l'Europe veut avoir sa voix au chapitre, sa voix avec Zelensky, dans les discussions avec Trump et Poutine, elle va définir un plan pour la fin de la guerre, on attend de savoir lequel. Keir Starmer évoque aussi la possibilité de troupes britanniques au sol. On va l'écouter tirer le bilan de ce sommet. Voilà, donc, les conclusions du sommet résumées par le Premier ministre britannique, Keir Starmer. On va peut-être s'épargner les commentaires
qu'on voit partout depuis deux jours à la télé, à la radio, sur : « Est-ce que c'est bon pour Macron ou pas ? » « Qui est le plus fort entre Keir Starmer et lui ? Parce que c'est quand même beaucoup ça. Moi, je voudrais parler de ce que vaut déjà, politiquement, avant de passer au côté militaire, ce soutien affiché de différents dirigeants européens à Zelensky, parce que OK, on a vu Macron, Starmer, Friedrich Merz, tu en as parlé, Fabien, nouveau chancelier conservateur allemand. À cette réunion, il y avait Giorgia Meloni, Première ministre italienne, proche
personnellement et politiquement de Trump. En Europe, il y a aussi Viktor Orban qui sera, je crois, à Paris mercredi pour discuter de l'Ukraine, complètement aligné sur la Russie. Donc est-ce que, déjà politiquement, ce soutien à l'Ukraine, il est partagé, en Europe ? Fabien et Pierre. Oui, moi je veux bien... Je pense que c'est déjà effectivement important qu'il y ait une certaine cohésion autour de Zelensky, c'est-à-dire qu'on ne soit pas dans la panique à répéter un petit peu ce qui vient de Washington, parce que c'est un peu c'est ce que font beaucoup de leaders américains qui
n'ont pas forcément d'opinion particulière. Simplement, ils ont envie de plaire à Trump et donc, ils se disent : « Oui, dire que c'est de la faute de Zelensky, que c'est lui, la personne irresponsable, c'est comme ça qu'on plaît au chef. » C'est bien qu'on n'en soit pas encore là en Europe. Deuxièmement, je pense que c'est bien aussi qu'on en soit à parler des troupes sur le terrain. C'est un débat qui, d'une certaine manière, avait commencé sous une autre forme, en février 24, avec les discours d'Emmanuel Macron. Le fait qu'on ait pu mûrir un peu ça,
c'est positif parce qu'à la fin, c'est la seule chose qui compte. - C'est pas si évident en France... - C'est pas évident. Je dis pas que c'est évident, mais c'est le seul débat qui compte. Je dis pas que la question est réglée. Parce que dans le fond, ce qu'on veut éviter ici, c'est aussi un scénario un peu à la géorgienne, c'est-à-dire une Ukraine qui se fait abandonner, comprend que personne n'a vraiment envie d'investir sur le long terme pour l'arrimer à l'Europe et la défendre, donc, perd un peu ses illusions, perd un peu ses illusions européennes,
et puis, au bout d'un moment, effectivement, il peut y avoir un gouvernement qui arrive, qui, d'un point de vue rhétorique, est patriote mais sera manipulé par Moscou, et donc, ils vont être, d'une certaine manière, neutralisés. Ça, c'est un problème pas simplement pour les Ukrainiens. C'est un problème pour les Européens parce qu'on a une ligne de front. Si on perd un des pays les plus combatifs et solides, on perd de la sécurité. Régis Genté, vous pensez que c'est ça, l'enjeu ? Comment vous voyez, vous, la première réaction de ces leaders européens ? Je posais la question
de l'unité de cette réponse en termes politique. Est-ce que vous pensez qu'ils ont en tête, justement, cette question du scénario à la géorgienne dont vous parliez tout à l'heure ? J'en suis pas sûr. Je pense qu'on est encore plus dans l'urgence de ce qui va se passer pour l'Ukraine et puis de ce que ça signifie effectivement pour toute l'Europe, quoi, politiquement, je veux dire, avant même qu'éventuellement, un jour, un État européen type la Pologne ou un des pays baltes puisse être attaqué directement par la Russie. Je crois qu'il y a cette prise de conscience et
on en est là. Donc c'est peut-être encore un peu tôt pour savoir si ça, ça va rester uni ou pas. Mais comme souvent, dans l'histoire, les choses avancent lorsque le mur est tout proche et qu'on est près de s'écraser contre lui. Et c'est ça qui est en train de se passer. Donc c'est des moments, à la fois presque... tragiques on pourrait dire, et en même temps, qui sont des grands moments de décision. L'Europe nous a surpris, d'ailleurs, ces dernières années, que ce soit pour la réponse financière à la Covid ou bien pour soutenir l'Ukraine depuis
2022, personne ne pensait qu'elle serait aussi présente et elle l'a été. Alors c'est très difficile parce qu'on pourrait dire que dans son essence, ce qui fait que l'Europe est l'Europe, je parle pas de l'Union européenne, mais de l'Europe en tant que continent, c'est sa division, c'est cette multiplicité de petits États, etc. C'est ce que raconte Rémi Brague dans un de ses livres. Et ça, c'est très difficile à dépasser, alors qu'on est dans un paradoxe très difficile. Pour défendre nos souverainetés, pour défendre notre sécurité, il faut non pas la remettre à l'Europe, mais en tout cas,
la rendre collective, en quelque sorte. C'est un peu ce paradoxe et c'est le cœur des débats dans tous nos pays. Anna Colin Lebedev, est-ce que justement, ce soutien... Est-ce que les Ukrainiens se posent la question de la qualité du soutien politique ? Ils savent que l'Europe, elle est divisée, qu'il y a plusieurs dirigeants d'extrême droite en Europe, ils savent que c'est pas forcément évident que ça dure, et que d'ailleurs, même les gens qu'on voit là, ils sont au pouvoir encore quelque temps, mais enfin pas pour l'éternité. Donc qu'est-ce que... Peut-être qu'ils peuvent se dire que
c'était bien qu'il y ait un soutien affiché, comme le dit Pierre Haroche, mais est-ce qu'ils se disent : « On va vraiment être soutenus sur le moyen terme ou le long terme » ? Les Ukrainiens travaillent et discutent avec les Européens sur cette question de la guerre depuis 2014 et je pense qu'il y a eu véritablement un saut qualitatif entre la réaction qui a pu être celle des États européens à la guerre dans le Donbass entre 2014 et 2022, et leur implication dans la guerre depuis février 2022. Donc je pense qu'à ce moment-là, les Ukrainiens
ont eu la sensation que les événements, en fait, avaient fait prendre conscience aux Européens, d'une part, qu'ils étaient concernés, que c'était pas seulement une guerre extérieure, mais que c'était leur guerre et que la sécurité européenne était bien en jeu. Donc je pense qu'il y a eu effectivement cette idée de besoin d'accompagner les pays européens dans leur prise de conscience. Et les Ukrainiens sont encore là-dedans, c'est-à-dire avec l'idée que nos sociétés mettent beaucoup de temps à réaliser, en fait, le sérieux du problème, l'implication pour eux de cette guerre et que c'est aux Ukrainiens de leur montrer,
d'essayer de les convaincre, voire de prendre le leadership d'une organisation de l'Europe autour de cette défense. Mais comme le disait Pierre Haroche, et comme le disait, par exemple, l'ancien ministre des Affaires étrangères ukrainien, Dmytro Kuleba, récemment, la société ukrainienne est effectivement extrêmement mobilisée et extrêmement combative, mais elle est aussi une plaie ouverte. Les dissensions qu'il peut y avoir dans les partenaires autour ont un écho très douloureux à l'intérieur de la société. Chaque moment qui peut être perçu comme un moment d'abandon est aussi un moment que les Ukrainiens payent cher aujourd'hui et qui les rendra d'autant
plus fragiles à des stratégies non seulement militaires de la Russie, mais aussi à des stratégies d'attaques hybrides, informationnelles, politiques ou autres de la Russie. On a publié ce reportage, « Personne n'en a rien à foutre de nous », en Ukraine. Voilà ce que disent des gens en Ukraine. Effectivement, chacun a des doutes à cet effet-là. Mais en même temps, et je dirais que ce n'est pas contradictoire, les Ukrainiens, aujourd'hui, ont de plus en plus une réflexion sur leur autonomie dans la conduite de leur défense qui est aussi une autonomie non seulement militaire, mais qui est
une autonomie politique. Quand on revient à ce qui s'est passé à la Maison-Blanche il y a quelques jours, ce qui a été bafoué, ce n'est pas seulement la personne de Zelensky qui a été attaquée, c'était une attaque en règle contre la souveraineté de l'Ukraine et son pouvoir de décider de son devenir. Ce qui est en jeu aujourd'hui, par exemple, avec toutes les demandes américaines de renverser Zelensky, de le remplacer, c'est aussi une attaque contre la souveraineté de l'État ukrainien. Aujourd'hui, je pense que l'Ukraine se perçoit, bien évidemment, comme dépendante en termes de soutien militaire, mais
en même temps, les événements la confirment dans son indépendance - et son existence en tant qu'État. - Fabien, je l'ai dit, l'UE veut être à la table des négociations entre Trump et Poutine si elle peut. Elle veut proposer son propre plan dont on ne connaît pas les détails à ce stade. Emmanuel Macron a parlé d'une proposition de trêve. Ça ne semble pas être exactement la position de Londres, puisqu'il y a eu des démentis là-dessus hier. En bref, quelles sont les marges de manœuvre réelles de l'Europe pour peser déjà dans un possible accord de cessez-le-feu ?
Après, on parle capacités militaires de l'Union européenne. Ce qui a été souligné, le fait de se montrer disponible pour avoir un plan, être force de proposition pour ce plan, y compris avec des capacités militaires et y compris en continuant à fournir. Surtout que maintenant que l'aide est suspendue, de continuer symboliquement à fournir l'Ukraine et l'aider tout simplement à tenir le front. Ce qui est compliqué dans la période actuelle, c'est qu'on voit qu'il y a un cadre qui se cherche. De l'extérieur, peut-être que Pierre Haroche peut nous éclairer là-dessus, c'est qu'on a plusieurs formats qui se
succèdent. On a eu les sommets que Macron a convoqués à Paris où on a un certain nombre de pays sélectionnés pour pas que ce soit non plus trop grand, on pouvait le comprendre, mais à Londres, on avait encore un autre format avec des pays de l'UE et de l'OTAN, des pays de l'OTAN seuls, mais pas tous de ces deux catégories. Donc c'est : qui est d'accord pour quoi ? Voilà, jeudi soir, jeudi prochain, on va avoir un sommet purement Union européenne. Donc là, il y a quelque chose qui se cherche. La défense européenne va sans
doute prendre un visage peut-être un peu différent, à la fois de ces deux organisations. Du coup, j'en profite aussi pour poser une autre question. Vous aviez l'air de dire : « C'est très bien, ils ont montré de la solidarité, ils n'ont pas repris le vocabulaire états-unien. » Et en même temps, on a Mark Rutte, qui est à la tête de l'OTAN, qui a quand même un peu admonesté Zelensky en disant : « C'est à vous de reconstruire votre relation avec Trump. » Évidemment, quand on est à la tête de l'OTAN, j'imagine que ce n'est pas
une position facile à tenir en ce moment, mais est-ce qu'il n'y a pas une fragilité ? Oui, mais c'est un peu une fragilité aussi européenne. C'est-à-dire que quand on dit qu'on met du temps à avoir un plan, à rassembler des volontaires dans cette espèce de coalition qui se cherche, la chose qui freine aussi, c'est que tout le monde répète : « Oui, mais c'est uniquement si les Américains nous donnent leur soutien. » Or, au bout d'un moment, il va falloir aussi regarder la réalité en face. Une fois qu'on part du principe que les Américains ont
dit non, vous faites quelque chose, vous ne faites rien, mais c'est votre responsabilité. Arrêtez de mettre la responsabilité sur ceux qui vous disent et qui vous répètent qu'ils ne veulent pas le faire. Donc ça, c'est une première chose. Après, c'est vrai qu'il peut y avoir un débat, mais je pense qu'il est vraiment en sourdine en Europe. « Zelensky, d'accord, très bien. Tu as peut-être raison sur le fond, ta souveraineté et la défense de ta dignité, mais essaye de faire en sorte que comme ça, sur le court terme, on n'ait pas non plus à gérer des
disputes tous les jours. » Ça, ça peut arriver. Mais je pense que ce n'est pas du tout sur le même mode que ce qu'on trouve aux États-Unis. Encore une fois, l'enjeu n'est pas le même aux États-Unis. L'enjeu, je pense, aux États-Unis, c'est vraiment d'évacuer la question ukrainienne, alors que nous, d'une certaine manière, on peut même presque se projeter sur le fait que notre relation avec l'Ukraine va devenir encore plus importante à l'avenir. Parce que l'Ukraine, on a dit, a vocation à rentrer dans l'Union européenne et que dans un contexte où les États-Unis prennent leurs distances,
on est encore plus dépendants entre pays qui savent se battre sur le flanc est. On n'a pas non plus intérêt, nous, à se disputer et à se dire des choses vexantes là-dessus. Pierre Haroche, si les États européens ont du mal à penser les choses sans les États-Unis, est-ce que ce n'est pas tout simplement parce que, en l'état aujourd'hui, militairement, sur le long terme, il leur manque un certain nombre d'équipements, de renseignement, vous en parliez tout à l'heure, pour pouvoir... Même si Ursula von der Leyen, aujourd'hui, nous annonce un immense plan de 150 à 800 milliards
d'euros de prêts dans les prochaines années pour financer la défense européenne, est-ce que ce n'est pas juste qu'ils ne l'ont jamais pensé comme ça, vraiment, et que du coup, là, aujourd'hui, ils se retrouvent un peu sans solution ? Oui, mais si vous voulez, le paradoxe, c'est que ceux qui sont vraiment dans la situation la plus difficile, ce sont les Ukrainiens et les Ukrainiens parlent plus librement de la possibilité de trouver des solutions. Donc je pense qu'il n'y a pas simplement un problème matériel, il y a un problème aussi moral. Quand vous dites que les Européens
ont besoin des Américains, oui, mais pour ce qui est des membres de l'OTAN, le problème se pose à plus long terme. On n'est pas en train de gérer une invasion russe dans les pays baltes ou en Pologne pour l'instant. Les troupes américaines ne se sont pas retirées pour l'instant. Pete Hegseth dit : « Vous devez assurer la plus grande partie de l'effort pour assurer la sécurité européenne. » Il parle de domaine conventionnel, ce qui est une façon implicite de dire : « On est toujours là en deuxième ligne et avec le parapluie nucléaire. » Donc
on n'est pas quand même à devoir gérer, nous, en première ligne, l'invasion. C'est pour ça, on pourrait très bien commencer à dire : « On essaye de mettre en place quelque chose et progressivement, on arrivera à quelque chose qui sera complémentaire au début et puis après, possiblement, si nécessaire, un peu plus autonome. » Ça aurait un sens. Simplement, je pense qu'effectivement, c'est un peu une logique psychologique. On a du mal à faire son deuil, que ce soit d'un point de vue personnel ou d'un point de vue politique. C'est-à-dire que c'est difficile, parfois, de dire à
une opinion publique à qui on a martelé « nous, notre force, c'est d'être les amis des États-Unis » et de leur dire « on va essayer de trouver un plan B ». Alors, Merz a commencé à faire ça en Allemagne et ça a été salué comme une forme de lucidité. Mais quand vous écoutez Starmer, qui pourtant est un des premiers à dire qu'on est capables de mettre des troupes, il continue à réaffirmer : « De toute façon, c'est quand même la relation avec les États-Unis qui est la plus importante pour nous. » Donc c'est plus
un problème politique. Problèmes politiques, il y en a d'autres puisque cette question pose des questions absolument vertigineuses, militaires, stratégiques, économiques, purement politiques et sociales, parce que si on finance davantage pour la défense... Macron a dit 3,5 % du PIB contre 2 % aujourd'hui. Si on va vers une course à l'armement, on a quand même un ministre des Affaires étrangères qui nous dit que jamais le risque d'une guerre n'a été aussi important sur le continent européen. Donc il dit ça le matin à la radio. Il le dit. Comment finance-t-on le reste dans un contexte politiquement déjà
très austéritaire ? Fabien, le débat a commencé évidemment en Europe. Il a commencé en France hier avec une discussion sans vote au Parlement. Quelles sont les positions et, déjà, les lignes de fracture qui apparaissent ? Sans pouvoir tout résumer, on peut dire qu'il y a évidemment le camp présidentiel qui est en soutien explicite d'Emmanuel Macron, y compris en jouant la carte de la personnalisation que toi-même, tu ne voulais pas jouer dans ton questionnement en ventant Macron comme le leader en Europe, en employant des grands termes comme « l'économie de guerre ». Voilà, je pense qu'on
n'y est pas vraiment. C'est difficile d'employer ce terme, quand même, pour ce qu'on vit en Occident. D'ailleurs, il y a pas mal de personnes de la communauté stratégique, comme on dit, qui pointent aussi que les Français ont quand même eu franchement du retard à l'allumage en la matière, et qu'il n'y a pas forcément de quoi pavoiser. Il y a une petite musique aussi qu'on entend de la part du pouvoir, qui, potentiellement, peut aussi mettre en danger le soutien populaire à cet effort de soutien militaire et de réarmement qui est de dire : « Vous comprenez,
il va falloir qu'on sabre dans les dépenses sociales pour cette raison. » Donc ça, c'est la position et les fragilités potentielles du camp présidentiel et de ses alliés directs. On a une gauche socialiste, écologiste, qui s'est exprimée à l'Assemblée, qui est évidemment beaucoup moins en soutien personnel, disons, d'Emmanuel Macron, mais qui est en soutien très clair aux initiatives en faveur de l'Ukraine. Et là, je pense qu'il faut insister, on a quand même deux forces importantes qui sont chacune à un bout du spectre idéologique : le Rassemblement national à l'extrême droite, La France insoumise, côté gauche
radicale, pour des visions du monde qui, elles aussi, sont différentes. Un nationalisme très étroit, très borné du côté du RN, une sorte de non-alignement altermondialiste comme LFI le dit. Finalement, des conclusions peuvent se ressembler sur certains points, à savoir, et ça a été dit à l'Assemblée, un rejet assez net de l'idée même de défense européenne en disant qu'il n'y aura jamais de politique étrangère européenne, donc jamais de défense européenne. Un appel à la paix, mais sans beaucoup de plans concrets derrière et quelle paix. C'est jamais vraiment affronté complètement, en tout cas dans les discours qu'on
a entendus à l'Assemblée. Et derrière, au fond, le fait de considérer qu'en fait, il y a une communauté de destin toute relative avec les pays qui sont de l'autre côté du Rhin et encore plus avec ceux qui ont le malheur d'être du côté du glacis russe, que ce soit les États baltes pour ceux qui sont dans l'Union européenne ou encore ou encore la Pologne. Il y a cette idée, si on creuse derrière, de dire : « Cette menace russe, elle est pour eux, les malheureux. Mais bon, nous, ça ne nous touchera pas tant que ça.
» Je pense que là, il y a un vrai débat de fond. Je renvoie à un texte de Céline Marangé dans Le Grand Continent, certains disent, et ce sont ces gens-là qui écoutent plutôt les autres forces politiques côté présidentiel, côté socialiste, côté écolo, qu'en fait la menace russe ne concerne pas seulement les pays de son voisinage, mais elle concerne l'Europe tout entière et le continent tout entier. Ce qui affectera les pays du flanc est, comme on dit, affectera aussi la France qui a la chance d'être à la péninsule du continent européen. Anna Colin Lebedev, est-ce
que vous êtes surprise par la façon dont... Depuis ce week-end, la question qui a beaucoup dominé, c'est la question de la dissuasion nucléaire. Faut-il que la France partage sa dissuasion nucléaire ? Par exemple, Marine Le Pen dit clairement : «Non, ce serait une trahison nationale. » En effet, ils refusent aussi la défense européenne. Et du côté de LFI, de Jean-Luc Mélenchon : « La réunion de Londres est un sommet du vide. » Ils dénoncent la servilité atlantiste des dirigeants européens qui ont diabolisé Poutine et se retrouvent désormais coupables d'une capitulation sans condition et sans issue.
Et puis il y a aussi le parti au pouvoir, avec par exemple Gabriel Attal qui nous a dit : « Il faut un nouveau leader en Europe. » Là, on voyait un Emmanuel Macron émerger des flots comme ça. Bref, est-ce que vous êtes surprise par rapport aux réalités du terrain, par rapport à l'urgence de cette guerre sur le terrain pour les Ukrainiens ? Vous êtes un peu surprise ? Les Ukrainiens, eux, le sont. Mais peut-être qu'on peut prendre le problème côté russe : comment la Russie le perçoit ? Parce qu'en réalité, quelque part, on a
beaucoup parlé des projets de la Russie, des capacités de la Russie. On n'en parle plus du tout dans cette histoire. Or, quand même, il faut le mettre en regard avec les souhaits de la Russie dans cette affaire. Je pense qu'il y a une conviction côté russe depuis des décennies, que les Européens cèdent toujours, qu'il suffit de pousser suffisamment fort, de faire planer une menace tangible, même s'il n'y a pas besoin d'aller très loin pour que les Européens cèdent, se défilent et n'engagent pas d'action, en premier lieu. En deuxième lieu, ils sont absolument convaincus de leur
capacité à peser sur des acteurs qui sont des acteurs alliés de la Russie à l'intérieur de nos sociétés ou des forces politiques qui leur sont favorables, voire peser sur des opinions par des opérations d'influence informationnelle. Donc ils ont la sensation, eux, de pouvoir complètement contrôler cela. Donc je pense qu'aujourd'hui, le Kremlin est en train de regarder ce qui se passe dans nos pays et d'attendre le moment où on cède parce que c'est trop de pression politique en interne, trop de trop de transformations nécessaires, des institutions trop rigides pour le mettre en œuvre. Je pense que
le degré auquel nous réagissons a déjà un effet de surprise, à mon sens, pour le Kremlin. Il n'y a pas eu de déclaration là-dessus, mais je pense qu'on peut l'anticiper. À mon avis, tout signe de retour en arrière ou d'aveu de complexité, d'aveu d'incapacité de prendre des décisions radicales, sera perçu comme totalement anticipé par la Russie. Régis Genté, est-ce que vous êtes d'accord avec ça ? Pour vous retrouver une dernière fois, est-ce que vous êtes d'accord sur l'idée que la Russie regarde actuellement ce que font les dirigeants européens ? Oui, ça, c'est certain. J'abonde pleinement
dans le sens d'Anna Effectivement, c'est vraiment important. J'avais juste envie de dire quelque chose qui n'est pas complètement palpable, mais qui me semble très important, c'est qu'il y a vraiment quelque chose entre la Russie et l'Europe. D'abord, c'est tout le problème identitaire russe. Est-ce qu'on est plutôt des Européens ou pas ? Ça, ça travaille très profondément la société russe et l'État russe depuis au moins deux siècles. Mais on voit bien qu'il y a toujours cette tentation de la détruire, de prendre le contrôle de l'Europe. C'est Staline à Yalta, bien sûr. C'est Eltsine, vous savez, ces
documents déclassifiés de la CIA qui montrent qu'Eltsine dit à Clinton : « Donne-moi l'Europe. Donne-moi l'Europe. » C'est Eltsine, c'est pas Poutine, vous voyez. Et puis jusqu'aux dernières réactions de ces derniers jours, même d'hier, où on a l'impression que la Russie considère finalement que son adversaire, ce ne sont plus les États-Unis, c'est le changement de paradigme géopolitique dont Anna parlait tout à l'heure, mais plutôt l'Europe. Je ne suis pas en train de dire qu'il va y avoir une agression contre un pays européen, mais il y a quelque chose, quand même, sur le fond, de la
vision géopolitique vraiment très profonde qui existe. Et ça doit nous suffire à comprendre qu'effectivement il y a un grand danger et que la Russie, celle de M. Poutine, et pas seulement, parce que c'était déjà vrai chez Eltsine, pourrait bien s'employer à détruire l'Europe, peut-être parce que c'est d'abord un contre-modèle politique. On sait que la politique étrangère de tous les États, quels qu'ils soient, elle est souvent enracinée dans la nature de son régime intérieur. Alors, on entend beaucoup parler d'économie de guerre, y compris sur différentes parties du spectre politique. Alors, dans ce qu'on appelle le socle
commun, la majorité présidentielle, mais aussi Raphaël Glucksmann pour Place publique-PS, le ministre de l'Économie, Éric Lombard... Ça veut dire quoi, « économie de guerre » ? Parce qu'on s'imagine beaucoup de choses à travers ce mot, sans évidemment savoir exactement de quoi il s'agirait. Est-ce qu'on entre aujourd'hui dans une économie de guerre et le cas échéant, c'est quoi ? - Je pense que ces acteurs-là, beaucoup des acteurs que tu cites, veulent dire : « Il faut augmenter les dépenses militaires ou pour la défense. » Mais le mot, le concept d'économie de guerre a un sens. Ça
va au-delà de ça. Ça veut peut-être dire, déjà, qu'on est en guerre, concrètement. C'est-à-dire que dans les pays vraiment en guerre, ils engagent des proportions du PIB qui n'ont absolument rien à voir avec ce dont on parle. Macron parle de passer de 2 à 3 % de la richesse nationale... Enfin voilà, quand des pays sont dans un conflit, j'ai pas les chiffres pour l'Ukraine ou la Russie en tête, mais c'est beaucoup plus conséquent. Par ailleurs, une économie de guerre, ça ne rentre pas du tout dans le logiciel macroniste actuel. C'est-à-dire que ça peut aussi avoir
un effet de contrainte sur les industriels à qui on impose des plans de production, ça peut vouloir dire mobiliser de l'épargne et la flécher de manière assez dirigiste, ça peut vouloir dire contrôler les capitaux privés pour pas que ce soit la débandade parce que justement on mobilise le pays. Ça peut vouloir dire aussi réduire les inégalités parce qu'on a besoin que la société tienne et qu'elle ne se défasse pas à la moindre difficulté, quand il y a des difficultés économiques, énergétiques ou que sais-je. Donc à mon sens, on n'est pas du tout dans cet ordre-là
des choses. Oui. Un petit mot là-dessus, peut-être ? Oui, je pense que plus que l'économie de guerre... Parce qu'effectivement on n'en est pas à dépenser autant et à demander à tous les secteurs de l'économie d'alimenter l'effort de guerre. C'est pas la situation dans laquelle on est. Je pense que ce qui est vraiment important et on est en train de commencer à aller dans cette direction, mais c'est pas complètement fait, c'est d'avoir une vraie agrégation des commandes militaires en Europe. Parce qu'en fait, le paradoxe, c'est que collectivement, on dépense quand même beaucoup, mais 27 petites armées
qui dépensent chacun dans son côté de façon décoordonnée, - ça fait pas une grosse armée. - Elles se font concurrence et n'ont pas les mêmes fournisseurs. Voilà, pas sur la même temporalité, qui se font concurrence entre elles en négociant leurs contrats l'un contre l'autre, etc. Et le commissaire à la Défense, Kubilius, qui est arrivé à la Commission en décembre, il disait : « C'est ce qu'on a fait jusqu'à présent. On essaye d'inciter les États membres à faire des efforts, mais le problème, c'est qu'ils font pas tous le même effort, pas tous en même temps, il
faut faire un big bang. » C'est pour ça qu'on attend beaucoup des propositions. Alors, vous avez commencé à parler des premières propositions que la présidente de la Commission, Von der Leyen, annonce pour demain. Il va y avoir aussi un livre blanc de la défense de l'Union européenne, où on doit faire des propositions pas simplement pour l'immédiat mais pour le moyen terme. Je pense que c'est la seule chose qui peut vraiment donner les moyens aux Européens. Une comparaison a souvent été prise, notamment par Kaja Kallas quand elle était Première ministre d'Estonie, maintenant elle est haute représentante
de l'Union européenne, c'est les vaccins. Pendant les vaccins, on avait un pot commun et avec ce pot commun, il y avait un négociateur européen, qui était la Commission européenne, qui négociait l'achat des vaccins pour 450 millions d'Européens. Et avec ça, on avait une vraie capacité à négocier avec l'industrie, que ce soit des industries européennes ou américaines, en leur disant « Ça va être tel prix, telle rapidité, telle cadence, telle quantité », et in fine, on arrive à produire. Quand on est avec plein d'armées qui négocient chacune de son côté, des administrations qui disent « Oui,
mais moi je veux que ce soit suivant mes modalités et mon format de négociation », en fait, on n'arrive pas. Anna Colin Lebedev, avant une question pour Fabien, - et puis on va conclure. - Alors, rapidement, la dimension macro ici et la dimension armement lourd est extrêmement importante, mais je pense qu'il y a une autre dimension qui est la dimension micro et la dimension sociale, c'est-à-dire se percevoir en guerre. Qu'est-ce que ça veut dire, être dans une société, en fait, qui se prépare à une guerre, pour pas la conduire, d'ailleurs, mais pour être prête. Il
y a tout un tas de choses dans nos sociétés qui ne sont pas du tout ajustées sur ce modèle, notamment la compréhension de ce qu'est la guerre. - Les attaques informationnelles... - Les gouvernements arrêtent pas de dire : « Nous sommes en guerre ». On a été en guerre contre le Covid, - on est en guerre en permanence. - Précisément. - Dans le langage politique. - Le brouillage des termes est un peu problématique. À partir de quel type d'attaque, attribuée ou non attribuée, peut-on se dire qu'on fait l'objet d'une guerre ? Et quelles sont les
forces qui sont mobilisées à l'intérieur de la société pour y faire face ? Autant la défense, c'est compliqué de la mettre en place, mais nous pouvons penser la défense proprement militaire et cinétique, nous avons beaucoup de mal à penser la résistance de nos sociétés et notamment la résistance à des menaces qu'on identifie pas forcément comme venant de l'armée russe. D'ailleurs, le fait que les États-Unis aient déclaré arrêter toute action offensive ou cyberopération offensive à l'égard de la Russie nous montre bien déjà qu'ils considèrent ça comme une menace, mais aussi qu'ils ont cédé face à la
Russie et se rendent vulnérables. Je pense qu'on est vulnérables également à ce niveau-là, notamment parce que pour l'instant, nous n'avons pas expliqué clairement à nos sociétés ce que ça veut dire la guerre au XXIe siècle. Fabien, une question importante, puisqu'elle est posée, y compris par des gens qui commencent à réfléchir un peu sur la situation. Plusieurs textes commencent à apparaître là-dessus, c'est porté par des responsables politiques, la question que je posais tout à l'heure, c'est que financer plus l'armée, est-ce que c'est pas dire d'emblée que d'autres postes du budget seront sacrifiés, que plus de défense,
c'est encore plus d'austérité ? Il faudra plus d'efforts budgétaires, a dit le ministre de l'Économie, Éric Lombard. « Mais attention, on ne touchera pas aux dépenses sociales. » Est-ce qu'on ne sait pas déjà qu'on met le doigt dans cet engrenage-là ? Oui, mais c'est peut-être une vision un peu figée des choses. Comme si mettre 1 euro dans la défense, ça partait dans le sable ou juste dans des armes et que ça n'avait pas des effets sur le reste de l'économie. Bon, il y a déjà en partie cette dimension et en tous les cas... Mais c'est
vraiment mon avis personnel... On aura l'occasion de débattre aussi sur ce plateau, dans les prochaines semaines, de tout ça. De l'étayer dans les jours à venir. Mais en fait, c'est un piège. C'est le piège soit de dire on investit tout dans la sécurité et du coup on oublie l'État social, on oublie le semblant d'État écologique qu'on essaye de bâtir, parce que par ailleurs, nous vivons aussi une sorte de nouveau régime climatique inédit qui exige quand même des réponses à la fois solidaires, de préparation de la société, qu'il ne faudrait pas complètement faire passer sous le
bus. Donc ça, c'est un risque. Et qui plus est, d'ailleurs, je pense que c'est compliqué de faire accepter aux populations qui ont vécu 80 ans de paix de sacrifier un bien-être immédiat pour des menaces qui peuvent parfois paraître un peu lointaines aux gens, même s'ils peuvent se sentir temporairement solidaires des Ukrainiens qui se font agresser. Et puis d'autre part, je pense qu'il y a un autre piège qui est, en fait, de fermer les yeux et de dire : « Je ne veux pas entendre parler de sécurité, ça ne me concerne pas, cette menace n'existe pas
parce que, justement, je veux préserver à tout prix les dépenses sociales. » Je pense qu'il y a une sorte d'autre paradigme à inventer, d'autre équilibre à inventer, peut-être, qui sacrifie ni l'un ni l'autre. Ça peut paraître peut-être un peu bisounours sur le papier, mais je pense que c'est ça qu'il faut rechercher. Mais toutes les dernières questions sont sur l'acceptation sociale de ce dont on parle. C'est pas parce qu'il y a un certain nombre de dirigeants européens qui se réunissent pour acter un certain nombre de décisions qui sont pas forcément simples à mettre en place que
derrière la société accepte ce qui se passe, parce que ça pose des questions vertigineuses du point de vue social et politique. D'abord, je suis d'accord sur ce qui vient d'être dit, sur le fait qu'on n'a pas forcément à choisir que les investissements dans la défense, en particulier quand on voit des révolutions technologiques... C'est pas forcément de l'argent perdu. Et aussi, je pense que ce que vous dites, c'est aussi la justification principale de l'idée d'endettement, c'est-à-dire que tout l'effort doit pas être porté sur le budget de cette année qui doit être déconstruit complètement pour investir dans
la défense, mais qu'on peut se dire que c'est une urgence immédiate, mais qui est un projet qui doit être porté sur le long terme et que donc ça a un sens de s'endetter collectivement sur quelques années. Et sur la question de la réaction des citoyens, je dirais que la dispute qu'il y a eue dans la Maison-Blanche qu'on a commentée au début, certes, ça n'a pas été un bon moment diplomatique, mais je pense que ça a cette vertu au moins de montrer aux citoyens ce qui se passe. - Tout le monde l'a vu. - Le problème
c'est que quand la diplomatie se fait dans l'espace feutré des antichambres diplomatiques, c'est beaucoup plus facile de dire : « Ces histoires pour spécialistes, je n'y comprends rien. » Là, tout le monde suit le feuilleton et tout le monde est conscient qu'il y a une tragédie qui est en train de se jouer. Merci beaucoup à tous les quatre d'être venus sur le plateau de Mediapart. Anna Colin Lebedev, votre livre, « Jamais frères ? Ukraine et Russie, une tragédie postsoviétique », aux éditions du Seuil. Pierre Haroche, « Dans la forge du monde : comment le choc
des puissances façonne l'Europe », chez Fayard. Et puis Régis Genté, je crois que vous êtes encore là. Merci d'avoir été avec nous. Votre livre, « Notre homme à Washington : Trump dans les mains des Russes », vient de paraître aux éditions Grasset. Fabien, on te lit et on regarde « RETEX ». Plein d'actualité, toujours, pour Fabien, sur Mediapart. Merci de nous avoir suivis. Alors cette émission, vous le savez, elle est en accès libre, mais Mediapart, c'est pas en accès libre, donc on vous informe grâce aux abonnements. Si vous le pouvez, abonnez-vous pour nous aider à
faire ces émissions et à publier tous nos articles. Vous retrouvez tous ces articles sur l'Ukraine, sur Trump, les États-Unis et l'Europe, sur Mediapart. À très vite sur Mediapart.