-Avez-vous déjà utilisé un mot pendant des années et un jour, vous comprenez ce qu'il veut dire ? J'ai vécu ça avec une amie à Montpellier, en Occitanie. C'est une région du sud de la France dont une partie s'appelait Languedoc-Roussillon.
Inspectant l'étiquette du vin, je dis à mon amie : "C'est drôle, dans 'Languedoc', "il y a 'langue'. " Elle me regarde interloquée et répond : "Oui. Ça veut dire 'langue d'oc'.
" Il y a une langue qui s'appelle "oc" ? "Oui, il y a une langue d'oc et aussi une langue d'oïl. " Elle m'explique : quand les Romains occupent la Gaule, tout le monde finit par parler latin.
Du latin, 2 langues se développent : au sud de la Loire, la langue d'oc qui ressemble au catalan et un peu à l'espagnol. Au nord, la langue d'oïl, influencée par le germanique. Elle deviendra le français moderne.
Pourquoi "oïl" et "oc" ? C'est le poète toscan Dante, né au 13e siècle, qui a l'idée de classifier les langues selon la façon dont on dit "oui" dans chacune d'elles. Selon lui, en Italie, on parle la langue du si, au nord, la langue du yô, dont découle le "ja" allemand.
Un peu plus bas, la langue d'oïl, "oïl" qui se transformera en "oui", puis vient la langue d'oc, appelée aussi occitan. Pendant des siècles, langue d'oc et langue d'oïl coexistent. Aux 12e et 13e siècles, la langue d'oc sera la 1re langue littéraire du Moyen Age grâce aux troubadours.
Les troubadours, du verbe occitan "troubar" signifiant "inventer", sont des poètes et compositeurs qui chantent l'amour courtois. De cour en cour, ils font rayonner l'occitan littéraire en Europe et en Angleterre. Au 13e siècle, les provinces méridionales sont annexées par les rois du nord.
En 1539, François 1er rend la langue du nord, le français, obligatoire pour les écrits officiels écrits en latin ou en occitan. C'est la fameuse ordonnance de Villers-Cotterêts. Ça n'empêche pas les gens du sud de parler encore l'occitan pendant des siècles, mais l'élite parle le français : parler la langue du pouvoir est utile à l'ascension sociale.
La Révolution française accélère le déclin de l'occitan. Pour répandre ses idées, il lui faut une langue unifiée. Il faut maîtriser le français pour travailler dans l'administration.
Dans les écoles obligatoires et gratuites de la fin du 19e siècle, on punit les enfants qui osent parler leur langue maternelle. L'occitan est considéré comme un patois, terme péjoratif désignant un dialecte rustique. Depuis le 19e siècle, il existe un mouvement littéraire, le Félibrige.
Le poète Frédéric Mistral, qui en fait partie, reçoit en 1904 le prix Nobel de littérature pour son poème "Mirèio" : "Cante uno chato de Prouvènço, "dins lis amour de sa jouvènço, A travès de la Crau. . .
" C'est insuffisant pour insuffler une nouvelle vie à cette langue. Vers 1950, l'enseignement des langues régionales, le breton, le basque, l'alsacien, le corse et l'occitan, est réautorisé. On crée des écoles bilingues, on peut prendre une option occitan au bac et l'étudier à l'université.
Le monde artistique fait sa promotion à travers la littérature et la musique. A Toulouse, les panneaux de rues sont bilingues et on annonce les stations de métro en occitan. L'occitan est encore parlé dans 33 départements français, dans la région Val d'Aran en Espagne et dans le Piémont.
Il y aurait un peu plus de 500 000 locuteurs, mais assez âgés. La langue est de moins en moins parlée, mais toute une ribambelle de mots issus de l'occitan se sont imposés dans le français actuel. Le mot "abeille" vient du mot occitan "abelha".
Le mot "accolade" vient de l'occitan "acolada". Le mot "pelouse" vient de l'occitan "pelosa". Le mot "salade" vient de l'occitan "ensalada" et le mot occitan "escagarol" s'est transformé en.
. . Eh oui, en "escargot".