Traducteur: eric vautier Relecteur: Kenza Benkirane Merci. J'ai toujours voulu être professeur. Et quand je débute en 99, eh bien, c'est le choc.
Je découvre mes premiers élèves, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'ils manquent d'enthousiasme, pour l'école et pour l'anglais. Certains se demandent même ce qu'ils font là. C'est très dur à vivre quand on est soi-même passionné, mais je ne me décourage pas, ce n'est pas dans ma nature.
Au contraire. Je cherche continuellement des réponses aux questions que je me pose : comment les aider ? comment les motiver ?
Et je me rends compte que j'en ai une, d'élève motivée, c'est Justine là-bas. Justine qui chante, et qui chante en anglais, et je comprends que c'est l'une des clés : leur donner envie. Alors, comment faire ?
Eh bien, je me dis que je vais les rendre acteurs. Ils écrivent des nouvelles, ils échangent avec des auteurs américains et britanniques, ils coopèrent même avec un chercheur britannique et un auteur français, Cyane. Ils écrivent des haïkus pour étudier Shakespeare.
Ils sont créatifs, et je me rends compte très vite que ça se passe très bien, ils travaillent, ils progressent, mais je rencontre un nouveau problème : mes projets sont chronophages. Or il faut bien assimiler les bases : lexique, grammaire, méthodologie, ne tombent pas du ciel. C'est pourquoi je commence à partager des documents en ligne qu'ils consultent à la maison.
A partir de ces documents. . .
Ils peuvent s'appuyer sur ces documents dès leur arrivée en classe afin de pouvoir travailler de façon plus créative, de façon plus ambitieuse, en classe. Sans le savoir, je viens de réinventer la classe inversée qui existe déjà aux États-Unis. La classe inversée consiste à proposer des sujets, des textes, des vidéos, à la maison, afin que les élèves les consultent, et qu'en classe, ils puissent aller plus loin.
Mais qu'est-ce qui change vraiment ? Eh bien, tout part des élèves et de leurs besoins. Pour que ce soit plus clair, je vais vous expliquer mon cheminement.
Première étape : ma préparation de prof. Tout d'abord, je sélectionne une thématique. Ensuite, je leur propose une vidéo que j'associe à ce thème.
En dernier lieu, j'utilise TED-Ed. Je ne sais pas si vous connaissez TED-Ed. Oui ?
Non ? Il faut découvrir ça plus tard. Donc je leur propose d'utiliser TED-Ed, le TED du prof, qui permet de mettre en interactivité les élèves avec des questions, des débats, à partir de la vidéo qui est téléchargée sur le site et qui a été choisie.
Deuxième étape : leur travail à la maison. Les élèves ont une mission : ils doivent travailler la vidéo, la visionner, répondre aux questions, mais, surtout et avant tout, ils doivent échanger entre eux sur le site TED-Ed. Par exemple, ils peuvent travailler à la maison une vidéo sur la thématique du héros, et en classe, échanger sur des extraits de « Gatsby le magnifique », et à partir de la vidéo, ils ont les outils pour pouvoir définir ce héros très particulier, si bien incarné, mesdames, par Leonardo DiCaprio.
J'ai testé la classe inversée avec des élèves en très grande difficulté, quasi décrocheurs, avec des élèves d'un autre niveau, des élèves de sections internationales, avec des étudiants de master enseignement, avec des professeurs, avec des professeurs stagiaires, et à tous ces niveaux, ça a fonctionné. La pédagogie de la classe inversée m'a même aidé à stimuler la créativité des élèves, à leur donner la parole, vraiment, et ainsi à donner un sens à leurs apprentissages. Grâce à la classe inversée, deux de mes classes - j'étais dans le Nord - deux de mes classes de seconde, dont les élèves étaient prioritairement issus de familles assez.
. . démunies, ont réussi à obtenir un prix national : le prix du partenariat à l'Unesco.
Et à ce moment-là. . .
(Applaudissements) Ce n'est pas moi, c'est eux ! (Applaudissements) Ils ont obtenu ce prix, et il s'est passé quelque chose. Corentin, l'un de mes élèves, s'est écrié.
. quelque chose et j'aurais aimé que vous me disiez ce que vous pensez qu'il s'est écrié quand je leur ai annoncé ce prix. A votre avis, qu'est-ce qu'il a dit, Corentin ?
Super ? Ouais ! Merci ?
Oui ! C'est eux qui ont travaillé, moi, je les lance, je les pousse un peu, mais c'est eux qui travaillent. Mais oui, en effet.
Et quoi d'autre, à votre avis ? Qu'est-ce qu'il a dit, Corentin ? Nickel ?
Pareil. J'aurais adoré que Corentin me dise : « Super ! Nickel !
» En fait, ce qu'il a dit, c'est : « Ben, on n'est pas nuls, alors ? » Je combats ce mot depuis toujours. Personne n'est nul.
Pour qu'ils. . .
(Applaudissements) Merci. C'est normal. Pour qu'ils renoncent à cette idée, mes élèves, depuis toujours, depuis 18 ans, je fais tout ce que je peux, tout ce qui est en mon pouvoir, pour les valoriser, et c'est là que la classe inversée m'aide énormément, parce que la créativité, justement, permet aux élèves de se sentir valorisés.
J'ai pu constater que mes élèves sont heureux, qu'ils travaillent avec un enthousiasme incroyable ; à la maison, qu'ils préparent les cours sans rechigner, alors que c'est de ça dont on a peur quand on est prof. Et ainsi, ça permet d'aller beaucoup plus loin en classe. Pour accompagner nos enfants dans le monde de demain, nous devons tous évoluer tout simplement.
Nous devons tous penser à l'avenir de ces jeunes. Nos cours doivent s'inscrire dans les logiques actuelles, celles des compétences du 21e siècle. Les compétences du 21e siècle sont justement celles que la classe inversée m'a permis de mettre en place dans ma classe : la collaboration, la créativité, la communication, la citoyenneté, l'aisance culturelle et sociale, les compétences liées aux nouvelles technologies, le développement du sens critique, s'adapter, être autonome, avoir confiance en soi, voilà ce qu'il est important de développer chez nos jeunes pour leur réussite, mais surtout pour autre chose : pour.
. . leur.
. . Bonheur !
C'est bien ! (Rires) C'était un B aussi ! Pour leur bien-être.
Apprendre à apprendre et oser dans ce monde en perpétuel mouvement, voilà ce qui compte à mes yeux quand j'enseigne. N'oublions pas que d'ici 20 ans, la plupart des métiers que nous exerçons auront disparu et que ceux qui les auront remplacés, eh bien, nous ignorons même leurs noms. Alors, osons !
Osons tous ! Osons innover avec eux et pour eux. (Applaudissements) Merci.