Pourquoi nos pistes cyclables sont nulles ? | ATLAS

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Entre 2019 et 2022, la mortalité à vélo a bondi de 31 % en France. Et pour cause, nos pistes cyclabl...
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Nos pistes cyclables sont dangereuses. En termes de sécurité à vélo, la France figure entre le Portugal et l'Estonie, parmi les mauvais élèves européens. Et ça ne va pas en s'arrangeant.
En 2022, 245 cyclistes sont morts sur la route en France métropolitaine, soit une hausse de 31 % par rapport à 2019. Et alors que 55 % des ménages français en sont équipés, seuls 3 % des trajets se font à vélo. À Paris, c'est à peine plus, 11 %, c'est dire le fossé qui nous sépare des villes championnes en la matière, comme Amsterdam, 35 %, ou Copenhague, 49 %.
Mais alors, quel est le problème avec nos pistes cyclables ? Voici l'axe cyclable le plus emprunté de France. On est à Paris, sur le boulevard de Sébastopol qui traverse la capitale du nord au sud.
Sur ces deux bandes de 120 cm de large, ce sont plus de 4 millions de trajets qui sont réalisés chaque année, soit près de 17 000 trajets par jour ouvré. Tout ça, sur cette piste étroite, coincée entre trottoirs et voitures. Ramenée à la surface occupée, cette autoroute du vélo représente à peine 9 % de la voie, contre 41 % pour les voitures et 50 % pour les piétons.
Même constat à quelques coups de pédale de là, sur le boulevard Magenta, le troisième axe cyclable le plus fréquenté de la capitale. Ici, les deux pistes de 120 cm occupent 8 % de l'espace public contre 64 % pour les voitures et 28 % pour les piétons. Des pistes étroites et saturées sur lesquelles on double à ses risques et périls et où l'accident n'est jamais loin.
Dans les grandes villes de France, les pistes cyclables sont arrivées au coup par coup. Rénovation après rénovation, les routes se sont dotées parfois de bandes cyclables, parfois de voies partagées avec les bus et, pour les plus chanceuses, de pistes séparées. Une hétérogénéité qui n'arrange personne.
Côté cycliste, on ne sait pas toujours où aller. Côté voitures et piétons, on se fait surprendre par des passages vélos qui n'ont parfois ni queue, ni tête. Dans nos villes, on trouve trois principaux designs de pistes : des pistes unidirectionnelles, des pistes bidirectionnelles et des pistes centrales.
Et en ville, on sait que le mieux, c'est la piste unidirectionnelle. Elle est la plus naturelle pour tout le monde, à la fois pour les usagers du vélo, mais aussi pour les usagers de la chaussée, pour les voitures qui vont savoir où trouver et où positionner, où faire attention aux cyclistes. On va permettre tout simplement de tourner à droite, à gauche, assez facilement, d'organiser des intersections de manière tout à fait classique.
Et c'est précisément ce qui n'est pas possible avec les pistes centrales et bidirectionnelles qui vont complexifier les intersections et qui placent les cyclistes sur des zones inhabituelles du point de vue des automobilistes. Et si nos pistes sont si hétérogènes, c'est parce que pendant longtemps, la priorité, c'était ça. En 1979, la France est en crise.
Le monde peut s'acheminer vers un désastre. Le gouvernement de Raymond Barre cherche à faire des économies et va couper les subventions au développement des infrastructures cyclables pour privilégier le tout voiture. Une décision politique dont les conséquences se ressentent encore aujourd'hui.
On va commencer à véritablement perdre la compétence technique sur la conception des infrastructures cyclables. Les experts mobilité, les experts voirie, d'une part, à l'école, n'apprennent plus du tout ce que c'est mais le voient pas, le pratiquent pas. Et au final, on ne sait plus ce que c'est que construire correctement un réseau d'infrastructures cyclables.
L'autre, c'est l'usage. Il devient de plus en plus dangereux de se développer à vélo puisqu'on ne construit pas les infrastructures qui sont dédiées. Et puis, une troisième explication assez franco-française, ça va être dans ces années-là, le développement du Solex, du vélomoteur, de la mobylette.
Et en fait, ce mode de déplacement, qui va remplacer le vélo, qui va avoir beaucoup d'accidents, et au final, il va y avoir une image assez négative de ce mode de déplacement associé à quelque chose de très dangereux. Et tandis que la France s'éloigne du vélo, d'autres pays vont faire le choix radicalement inverse. Direction Copenhague, la ville du vélo.
Dans la capitale danoise, un déplacement sur deux est fait à vélo. Ici, c'est simple, il y a plus de vélos que d'habitants. Un paradis du cycliste que les Danois ont conquis par la rue.
Dans le Danemark des années 70, comme en France, la mode est à la voiture. Les centres villes sont transformés pour permettre aux automobiles de circuler plus facilement. Un modèle tout voiture qui va voler en éclats en 1973 avec le premier choc pétrolier qui va exposer la dépendance de l'Occident aux pays producteurs d'or noir.
Une dépendance à laquelle le Danemark va être particulièrement sensible. Le vélo apparaît alors comme un symbole d'indépendance et de liberté. La lutte s'organise notamment contre un projet d'autoroute censé traverser les lacs et le centre ville de Copenhague.
Devant la fronde populaire, les autorités danoises renonceront finalement au projet. Pour les Danois, le vélo est une affaire politique et ça a porté ses fruits. Depuis 2015, la ville accueille plus de vélos que de voitures.
Un long processus qui aura duré plus de 40 ans. La recette ? Des pistes larges, unidirectionnelles, mais surtout insérées dans un réseau cyclable qui vise un objectif suprême : la continuité.
Mikael Colville-Andersen est un urbaniste danois qui a tellement travaillé sur la place du vélo dans les villes qu'il a fini par en faire une série documentaire. Pour mieux comprendre le comportement des cyclistes, il a enregistré le passage de plus de 16 000 vélos sur une intersection très fréquentée de Copenhague. Pour quatre directions élémentaires, à gauche, à droite, tout droit ou demi-tour, il a observé pas moins de 57 trajectoires possibles.
Et plus il y a de trajectoires possibles, plus la piste sera dangereuse. Et ça, ça s'explique par un désir naturel des cyclistes : ne pas s'arrêter. Les cyclistes vont privilégier naturellement les itinéraires qui leur permettent de rester en mouvement.
Moins on va avoir d'interruptions, moins on va avoir de trajectoires différentes et plus la piste sera sûre. Ça, Copenhague l'a bien compris et ça se retrouve jusque dans le mobilier urbain, comme ces poubelles inclinées qui encouragent à ne pas dévier de sa trajectoire ou ces repose-pieds, qui incitent les cyclistes à se positionner aux endroits les plus sûrs. Vous avez les piétons qui sont sur les trottoirs, les voitures qui sont sur la chaussée et les cyclistes qui sont sur les pistes cyclables.
Chacun sait où il doit se positionner. Vous trouvez des pistes unidirectionnelles partout. L'exemple de la capitale danoise séduit et même dans les pays chauds.
Loin du froid danois, Séville est l'un des exemples les plus fulgurants de transformation cyclable. Entre 2006 et 2011, la capitale andalouse est passée de 7 000 trajets quotidiens à vélo à plus de 72 000, soit une augmentation de près de 1 000 % en seulement cinq ans. Un exploit dans une ville où la température dépasse les 40 °C, près de la moitié de l'année et où la voiture bénéficie, depuis la fin de la dictature franquiste, d'une préférence culturelle associée au développement économique de l'Espagne.
Avant, Séville, c'était ça : 15 km de pistes isolées, principalement autour des parcs municipaux. Cinq ans plus tard, Séville, c'est ça : 120 km de pistes sécurisées réalisées à 70 % sur des anciens stationnements. Mais cette transformation de Séville n’a pas forcément plu à tout le monde.
Les automobilistes ont un argument massue contre le vélo : plus il y a de pistes cyclables, moins il y a de routes et moins il y a de routes, plus il y a de bouchons. Et même si ça paraît logique, c'est faux. Imaginons une voie avec six voitures, ça bouchonne.
Ajoutez une voie, vous divisez les embouteillages par deux, ajoutez en dix et on voudrait croire que tout devient fluide. Mais en réalité, plus il y a de voies, plus il y a de voitures. C'est ce qu'on appelle : la demande induite.
Ajouter des voies, c'est rendre la voiture plus intéressante. Retirer des voies, c'est rendre les autres moyens de transport plus attractifs. Les usagers vont identifier la meilleure option à l'instant T et adapter leur comportement.
C'est ce qu'on appelle : l'évaporation du trafic. Plus on construit de pistes cyclables, plus on aura de cyclistes. Vous prenez une rue où vous faites des travaux.
Du coup, la rue, elle est quand même pas praticable pendant un certain nombre de temps. Et les usagers de cette voirie, les automobilistes avant, vont utiliser potentiellement un autre chemin ou alors vont se rendre compte que c'est compliqué et vont aller vers un autre mode de déplacement. Et c'est là que vous avez une évaporation du trafic automobile.
Et c'est ce qu'on a observé aux États-Unis. À New York, l'emblématique Huitième Avenue a été transformée pour aménager une piste cyclable sécurisée en grignotant de l'espace aux voitures. Résultat, la circulation a été accélérée de 14 % en moyenne.
À Chicago, le bilan n'est pas aussi positif, mais il est tout aussi intéressant. En 2021, 40 kilomètres de pistes cyclables ont été construits. Sur la majorité de ces axes, les embouteillages ont empiré, mais les nouvelles infrastructures ont eu un effet sur tout le reste de la ville, avec une réduction des temps de trajet pour 40 % des axes restants.
Construire des pistes cyclables pour désengorger les routes, c'est aussi le pari de la capitale de la Colombie, Bogota. Avec une superficie de seize fois Paris, les temps de trajet sont naturellement longs pour les 7 millions d'habitants de la ville la plus embouteillée d'Amérique latine. Une situation qui, dès 1998, va conduire le maire de Bogota, Enrique Peñalosa, à mettre en place d'immenses pistes cyclables.
L'objectif : faciliter les déplacements entre les zones résidentielles situées majoritairement à l'ouest et les zones de travail majoritairement à l'est. Un véritable saut dans le vide pour le maire de l'époque qui décide d'investir massivement dans des infrastructures dédiées à des usagers qui n'existent pas encore. Avec ces pistes, le vélo devient un moyen de transport légitime et les portes de la ville s'ouvrent pour toute une partie de la population qui n'a pas les moyens de se déplacer en bus ou en voiture.
Les pistes vont prendre une dimension émancipatrice. Année après année, Bogota va poursuivre son expansion cyclable et aujourd'hui, la ville compte près de 630 km de pistes. Avec un prix de l'essence qui bat des records et des abonnements aux transports qui explosent, le vélo séduit de plus en plus à Paris.
Résultat, de plus en plus de pistes cyclables sont construites dans la capitale, qui en compte désormais près de 300 km. Le problème, c'est que ça concerne surtout l'hypercentre parisien. Comme le montre le baromètre des villes cyclables, dès qu'on s'éloigne un peu, le ressenti des cyclistes vire au rouge.
Pourtant, c'est dans les périphéries que les besoins de mobilité sont les plus importants. Bref, pour pousser les gens à faire du vélo, rien de plus simple. Il suffit de construire des pistes larges, connectées et surtout accessibles à tous.
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