Traducteur: Jules Daunay Relecteur: Florent Haffner Comment allez-vous ? (Public : Bien ! ) Ne m'interrompez pas beaucoup car il y a une horloge qui tourne en dix minutes et si je dépasse, des tireurs d'élite dans chaque coin me tireront dessus.
Pas cool. Alors coopérez, s'il vous plaît. Je suis Sofia Niño de Rivera et je suis ici pour vous parler de ce que j'ai eu le plus de mal à apprendre quand, il y a six ans, j'ai décidé de quitter mon emploi, de vendre ma voiture et de devenir comédienne.
Ce qui m'a demandé le plus de travail, c'est d'apprendre à avoir du temps libre. Je vais vous expliquer pourquoi. Petite fille, je jouais à l'adulte comme le font tous les enfants, j'avais une maisonnette, je jouais à la maîtresse, je jouais à la secrétaire et tous mes jeux avaient quelque chose en commun.
J'imaginais que j'étais une adulte, mais j'étais tout le temps grincheuse, stressée et pressée. C'étaient mes jeux. Car je pensais que la vie adulte ressemblait à ça et bon.
. . c'est vrai, non ?
(Rires) Et puis, quand je jouais dans ma maisonnette, j'étais la mère qui grondait ses enfants et les punissait, la maîtresse qui grondait ses élèves et les punissait, la secrétaire qui. . .
couchait avec son chef, non ? Des trucs comme ça. (Rires) Puis je me suis rendu compte que dès tout petits, on nous apprend que ce qui compte dans la vie – c'est l'éducation que nous recevons – c'est de travailler, de gagner de l'argent, d'avoir une famille et de se maintenir.
Pas de s'amuser, ni de ne rien faire d'autre, c'est cela être adulte. Et ainsi, j'étais très pressée de devenir adulte, je voulais commencer à travailler car je voyais mon père partir de la maison très tôt, rentrer très fatigué, dormir très bien parce qu'il n'avait plus d'énergie et je voulais savoir ce que c'était de faire ça. Je me suis donc mise à travailler, dès mon premier semestre à l'université sans compter mes autres boulots : laver la voiture et porter le sac de ma mère, ce pour quoi on me payait 20 centimes.
Je n'ai pas d'enfants pour qu'ils portent les sacs, j'ai grandi en entendant : « Ma fille, passe-moi ça », tout le temps. Ne le faites pas. Et ainsi, j'ai travaillé comme rédactrice créative ou « copy trainee », dans une agence de publicité, en fait dans plusieurs.
« Copy trainee » veut dire rédiger et écrire en gagnant 25 euros par mois et que personne ne vous embête pendant six ans. Tout simplement. J'ai commencé à travailler là, j'étais très heureuse d'être une adulte, je ne faisais plus semblant.
J'allais à un vrai bureau, avec de vrais gens, des secrétaires qui couchaient avec leurs chefs et tout ça. . .
(Rires) Je me sentais formidable. Mais ensuite, tout s'est effondré car j'ai compris que ma créativité, ce qui m'importait le plus dans mon travail dans la publicité, était vraiment limitée par des instructions qui disaient : « Tu dois penser comme ça, créer comme ceci et je déciderai si ton idée en vaut la peine ou non. » J'ai travaillé pour des marques pour vendre des produits que je n'allais pas acheter avec des idées dont je ne suis pas fière.
En fait, je vivais dans une fausse liberté. Tous les employés de bureau comprendront ce type de liberté. Quand il y a un pont, par exemple, il se dit : « Je ne vais pas travailler lundi, je suis libre.
» Non, il ne l'est pas. (Rires) Quand il dira qu'il sera en vacances. Autrement dit, la vie nous dit tout le temps, surtout dans une vie d'employé de bureau, elle nous dit quand flemmarder.
Quand il est admis de pouvoir flemmarder. Quand on peut partir en vacances, regarder la télévision, seulement le samedi et le dimanche car en semaine, à part la nuit, impossible de regarder la télévision à 11 heures, quelle paresse, non ? Eh oui, c'est la vérité.
Mais. . .
(Rires) En fait, je me suis rendu compte que je n'étais pas libre, que je ne maîtrisais pas mon temps que je vivais pendant le temps libre que j'avais plus tard. À ce point, j'ai décidé de quitter mon travail, de vendre ma voiture et de devenir comédienne. Pourquoi comédienne ?
Car, pour moi, la comédie est le meilleur moyen de communiquer avec les gens. Ce fut le cas toute ma vie. Les seuls professeurs que je reconnais ou dont je me souviens de l'école sont ceux qui m'ont fait rire.
Tous les gens dans ma vie me font rire, même mes amants, tous me font rire. (Rires) Pour moi, la comédie est donc très importante et ainsi j'ai décidé que ma vie serait consacrée à parler aux gens à travers la comédie. Dans un pays où nous avons le meilleur humour au monde.
Pour commencer, nous rions de la mort. Quel pays fait ça ? Ces cinglés de Mexicains.
Et c'est incroyable. J'ai donc décidé de le faire. Et ce qui a été le plus difficile, ce n'était pas de tout abandonner pour ce projet.
Ni de me produire dans des théâtres ou des bars où personne ne venait me voir. Ils allaient voir autre chose quand j'étais sur scène. On ne me payait pas.
Mon premier salaire de comédienne était dans un petit chapeau que j'ai mis : c'était de l'encens, une balle de caoutchouc et des bonbons. C'était aussi ma faute d'avoir joué à la Condesa, maudits hippies. C'est comme ça.
(Rires) Et puis, je me suis rendu compte que ce n'était pas le plus difficile. Ni soudain de penser que j'avais déjà échoué car personne ne riait à chaque fois que je montais sur scène. Ce n'était pas ça.
Le plus difficile pour moi, c'était d'avoir du temps libre. Car il se trouve que les personnes dans ma vie, tant au travail qu'à la maison, étaient maîtres de mon temps et je ne savais pas comment avoir du temps libre. Le lundi, je pouvais aller au cinéma à 13h, mais je ne l'ai pas fait, je me sentais coupable car la vie et la société me disaient qu'il ne fallait pas le faire.
Il faut aller au travail, au bureau, gagner un salaire, être quelqu'un dans la société pour qu'on te valorise et qu'on pense que tu réussisses. Et donc, j'ai dû apprendre à flemmarder, en gros. C'est vrai !
J'ai dû apprendre à profiter de mon temps. Tout était très séparé pour moi. Je pensais que mon temps et mon travail étaient deux choses distinctes.
Que mes loisirs étaient différents de ma façon de travailler. Au contraire, la comédie parle de la vie. J'ai dû vivre pour continuer à écrire.
Puis, j'ai réalisé que ce qui effrayait le plus les gens quand je disais que j'étais comédienne, ils le demandaient en premier : « Et tu vis de ça ? » C'est ce qu'on me demandait en premier. Car l'argent est toujours un obstacle.
Mais la question ne se pose pas pour un autre métier. On ne demande pas à un avocat : « Et tu vis de ça ? » parce qu'on suppose qu'ils taxent assez, non ?
(Rires) On ne demande pas à un médecin : « Et tu vis de ça ? » car il prend 70 euros pour dire : « C'est le stress. » (Rires) Mais quand on parle d'une comédienne, on demande de quoi elle vit car les gens ont très peur de ne pas pouvoir faire ce qu'ils aiment et d'en tirer profit.
Je ne vous dirai pas combien je gagne, je ne suis pas payée ici, mais je ne le dirai pas. Je gagne plus en une heure que ce que je gagnais en un mois dans la publicité. Et puis j'ai compris que ce qui effrayait le plus les gens.
. . Ils demandaient : « Tu fais quoi toute la journée ?
» Je voulais leur mentir car je me sentais coupable : « Rien, je n'ai rien fait, rien du tout. J'étais en pyjama, j'ai pris un bain, je n'ai rien fait, connard ». Car les gens réagissent du type : « Hum tu ne vas pas bien hein ?
Non, non, non. » (Rires) Nous devons changer le concept de ne rien faire, du temps libre. Le temps n'est ni libre ni esclave, arrêtez de dire que vous avez du « temps libre ».
Nous avons le temps. Rien de plus. Il ne doit pas être libre de l'esclavage que l'on vit en permanence et maintenant je peux faire ce que j'aime.
Nous devons apprendre à maîtriser notre propre temps. Ce n'est pas le travail qui doit le faire, ni les parents ou les amoureux. Si vraiment les entreprises faisaient ce même effort, en leur sein, de dire aux salariés : « Tu dois travailler et aussi avoir des loisirs », le monde du travail serait totalement différent.
Je ne vous dis pas de démissionner, de devenir comédiens, car la plupart ne serait pas drôle, mais si on pouvait commencer à avoir des gens heureux au travail, qui n'aient pas à rentrer chez eux pour dire : « Je vais lire maintenant. Je vais faire quelque chose que j'aime maintenant. » Que la vie n'est pas divisée en deux.
Que le temps soit complet. Un jour, j'ai fait un atelier de stand-up dans une entreprise, la plus bureaucratique que j'aie jamais connue, à des gens qui font de la programmation et d'autres choses super ennuyeuses que je n'ai pas comprises. C'était les personnes les moins drôles du monde, pour résumer.
Et donc, j'ai fait l'atelier de stand-up et ce qui m'a le plus frappée, c'est qu'ils ne se connaissaient pas mais se voyaient tous les jours. Ils ne savaient pas que l'un d'eux était veuf, qu'il avait deux filles, qu'il fallait emmener à l'école tous les jours, gérer ces difficultés et travailler. Ils ne savaient pas qu'un autre avait un fils ado qui lui rendait la vie impossible, comme tous les ados.
Ils ne le savaient pas. Car, dans les entreprises, on vit comme des robots. Je ne veux pas que tout le monde démissionne, devienne peintre, écrivain.
. . car nous avons besoin d'avocats, de docteurs et des gens pas drôles.
Nous en avons besoin. (Rires) Mais nous avons besoin de gens heureux. Des gens ainsi.
. . Merci d'avoir essayé de lancer des applaudissements.
(Rires) (Applaudissements) Nous avons besoin que chacun de vous, s'il est dans une entreprise, puisse dire à son chef ou que vous soyez le patron : « C'est mercredi, je n'en peux plus, je ne peux pas réfléchir, j'ai six réunions qui m'attendent, je ne peux pas. J'arrive sous peu, je vais flemmarder. » (Rires) Pourquoi dans les bureaux de Google, y a-t-il des hamacs et des tables de ping pong ?
Les employés de Google, sans blague, ils ont absolument tout là-bas. (Rires) Pourquoi ? Car sachez que les gens heureux et qui occupent leur temps en mélangeant travail et loisirs sont beaucoup plus productifs.
Je n'avais jamais autant travaillé avant de devenir comédienne. J'étais abrutie à l'agence. C'est la vérité.
Ce que je veux dire, c'est : il faut apprendre à flemmarder, de manière productive, afin de travailler pour son esprit. Merci beaucoup. (Applaudissements) Merci.