-Mr. Propre ! ... - A.de Tarlé: Bonsoir. L'Europe ne peut plus compter que sur elle-même pour sa sécurité. Les Européens ont été comme sonnés d'apprendre mercredi soir le rétablissement des relations entre les Etats-Unis et la Russie. D.Trump et V.Poutine ayant même prévu de s'inviter mutuellement à Moscou et à Washington. Un président Trump qui semble avoir tout lâché au président russe alors que les Etats-Unis ne font plus mystère de vouloir se désengager des affaires européennes. C'est toute la sécurité du Vieux Continent qui est à reconstruire face à une Russie qui "pourrait lancer une guerre à grande
échelle en Europe d'ici 5 ans". C'est le sujet de notre émission. Pour répondre à vos questions, nous recevons le général D.Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, auteur de l'ouvrage "D'un monde à l'autre". I.Lasserre, bonsoir. Vous êtes correspondante diplomatique pour "Le Figaro", spécialiste des questions de stratégie et de géopolitique. M.Jégo, vous êtes journaliste spécialiste de la Russie pour "Le Monde", ancienne correspondante à Moscou de 2005 à 2014. F.Beaudonnet, vous êtes rédacteur en chef de la rédaction européenne chez France Télévisions. Merci de participer à cette émission en direct. Je vous propose d'écouter
ces mots pleins de gravité du député européen R.Glucksmann. C'était ce matin. Pour lui, nous assistons à la fin d'une alliance historique qui a été mise en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. - R.Glucksmann: C'est 80 ans de paix en Europe qui sont en train d'être mis par terre par le président américain. On a vécu dans un continent en paix qui est liée à un tabou: on n'a pas le droit d'envoyer ses troupes changer les frontières et annexer le territoire de son voisin. Ca, c'est fini. - A.de Tarlé: R.Glucksmann fait ce parallèle avec l'histoire
du XXe siècle. - R.Glucksmann: Ce qu'on est en train de vivre, ça s'est déjà produit en 1938. A Munich, qu'est-ce qui s'est passé? On a négocié, les Français et les Anglais, avec Hitler l'avenir de la Tchécoslovaquie alors que les dirigeants tchécoslovaques étaient dans les corridors. - A.de Tarlé: I.Lasserre, 2 déclarations chocs. La 1re, la fin d'une alliance de 80 ans. - I.Lasserre: C'est tout à fait possible si D.Trump continue à épouser les méthodes des autocrates que les Etats-Unis ont longtemps dénoncées. Quel que soit l'avenir de la guerre en Ukraine, et quel que soit le plan
de paix imposé aux Ukrainiens, la parole américaine, la parole de D.Trump, de la 1re puissance mondiale, a un impact. Quand il dit qu'il veut annexer le Groenland, reprendre le Panama, faire du Canada le 51e Etat des Etats-Unis, quand il dit qu'il veut installer les Etats-Unis à Gaza, ou qu'il force une paix défavorable aux Ukrainiens, qu'est-ce qu'il fait? Il ne fait que justifier ce qu'a fait la Russie en Crimée en annexant la Crimée, en envahissant l'Ukraine en février 2022... Il justifie aussi par avance l'annexion possible par la Chine de Taïwan. Les Américains ont changé. Les Etats-Unis
ne sont plus les mêmes. Ils sont en train de basculer, de bafouer les valeurs européennes, des démocraties libérales, qui sont celles du système international qui avait été créé par les Etats-Unis en 1945. C'est cet ordre qui est en train de s'effondrer. Jusque-là, c'étaient des autocrates comme Poutine qui le détruisaient. Aujourd'hui, Trump joue le rôle d'accélérateur de la destruction de ce système international. L'Europe est assez seule en face à défendre son modèle, qui est un modèle non pas fondé sur la force, comme Trump ou Poutine, mais fondé sur le droit. Quand on a dit ça... Tout
n'est pas la faute de D.Trump. Le retrait des Etats-Unis de l'Europe est annoncé depuis très longtemps. L'annonce du pivot asiatique date de B.Obama. - A.de Tarlé: On en a pris conscience cette semaine. - I.Lasserre: On aurait dû en prendre conscience il y a très longtemps, s'y préparer depuis très longtemps et surtout depuis la réélection de D.Trump le 5 novembre. On a continué, malgré les changements du monde, à refuser de les voir et à penser qu'on pouvait nous, l'Europe, continuer à vivre des dividendes de la paix, que la paix éternelle serait toujours sur le continent. On
n'a pas ouvert les yeux assez rapidement. Aujourd'hui, on se retrouve en face d'une très grande urgence. On n'est pas prêts, militairement et politiquement. - A.de Tarlé: F.Beaudonnet, il se trouve que mercredi soir, à Paris, il y avait une réunion de nombreux chefs, ministres des Affaires étrangères européens, qui ont appris à Paris que D.Trump et V.Poutine avaient eu un échange téléphonique de 1 heure 30 et qu'ils s'accordaient pour régler le cas de l'Ukraine. On dit qu'ils ont été sonnés quand ils ont appris ce coup de fil qui a duré 1 heure 30. - F.Beaudonnet: Ca s'est
fait quasiment au même moment. C'était assez frappant. J'avais eu dans la journée un contact avec un diplomate européen, quasiment à une demi-heure près, au moment où V.Poutine et D.Trump se parlaient. Il m'avait parlé de cette réunion, de la position des Européens, mais il n'était absolument pas au courant de ce qui allait se passer une demi-heure plus tard. C'est extrêmement marquant. L'Europe n'a pas été mise dans la confidence. - A.de Tarlé: On peut rappeler ce qu'ils se sont dit. Ils se sont dit "pas d'Ukraine dans l'Otan"... - I.Lasserre: Pas de troupes américaines en Ukraine. - A.de
Tarlé: Et un gel des situations. Ce que Poutine a conquis, il le garde. - F.Beaudonnet: En ce qui concerne l'Europe, je crois que le problème, c'est le manque d'action européenne et pas la prise de conscience. Ca fait des mois que l'Europe a compris qu'elle allait avoir un problème avec l'élection de D.Trump. Il y avait des réunions à Bruxelles là-dessus. On dit souvent qu'il ne faut pas prendre D.Trump pour un idiot. Il ne faut pas prendre non plus les Européens pour des idiots. Ils savaient exactement ce qui allait se passer. La question n'était pas de savoir
si le coup de téléphone allait avoir lieu, mais quand. C'est quand même compliqué, et je ne dis pas ça pour excuser... Je pense que l'Europe devrait être beaucoup plus proactive, réactive. C'est compliqué quand vous avez 2 hommes qui veulent se parler entre eux. V.Poutine et D.Trump... C'est compliqué de dire: "Moi aussi..." - A.de Tarlé: Et nous, on est 27. - F.Beaudonnet: Qui on doit envoyer? Sûrement pas U.von der Leyen... Est-ce que c'est D.Tusk, le Premier ministre polonais, qui est à la tête pour 6 mois du Conseil de l'UE? Ce n'est sûrement pas notre président... Qui
on va envoyer autour de la table des négociations? - A.de Tarlé: V.Poutine était ostracisé depuis 3 ans. Comment, du côté russe, on a accueilli ce coup de fil, qui a fait la une de tous les journaux ce matin à Moscou? J.Bolton, ancien conseiller de D.Trump, dit ceci. - M.Jégo: J'allais dire qu'ils buvaient du petit-lait... Mais plutôt de la vodka. C'est au-delà de toute espérance pour V.Poutine et pour les Russes. Ils étaient loin d'imaginer qu'ils allaient rentrer en grâce auprès de Trump, qui réhabilite Poutine sur la scène internationale... - A.de Tarlé: Il veut l'inviter à Washington.
- M.Jégo: Ils devraient se voir en Arabie saoudite. On ne sait pas. Tout est très flou. Ce qu'on voit se dessiner, c'est ça, une ostracisation et provincialisation de l'Europe. Poutine est très ambitieux. Il dit que ce n'est pas seulement l'Ukraine. Il veut décider avec D.Trump des sphères d'influence, comment se partager le monde. Nous, on n'a aucune idée de ça. C'est incroyable comment on est naïfs. Tout ce que disent les Russes, on peut facilement... Il y a cette prise de conscience... - A.de Tarlé: Il faut faire une sorte d'Otan européenne? - M.Jégo: C'est le moment de
ne pas laisser tomber les Ukrainiens. Pour ce qui est de l'aide, on a aidé autant sinon plus que les Etats-Unis... Le général dit plus. On a la force, le pouvoir économique. On est plus démocratiques... Ce n'est pas quelqu'un qui dit et qui affirme quelque chose et tout de suite, ça se fait. C'est plus difficile. Tout n'est pas joué. - A.de Tarlé: On voit bien ce qu'a gagné V.Poutine dans ce deal. On voit moins bien ce qu'a gagné D.Trump, lui qui est le roi des dealers. - Gal D.Trinquand: Je trouve qu'il est très mauvais dealer, là.
Il met sur la table tout ce que V.Poutine voulait. Qu'est-ce qui reste à négocier? Sur l'Otan et pas de troupes américaines, c'était annoncé depuis longtemps. Sur les frontières, on savait qu'il y aurait des discussions. Là, il n'y a pas de discussion. Les Russes ont tellement souffert pour gagner ce terrain, on ne va pas leur retirer... C'est incroyable. Il y a la contestation de la légitimité de V.Zelensky. - A.de Tarlé: D.Trump a dit que les sondages d'opinion n'étaient pas terribles pour Zelensky, sous-entendu que c'était pour ça qu'il ne faisait pas d'élections et qu'il n'était pas légitime
à la tête de Kiev... - Gal D.Trinquand: Il faut se rappeler que c'était un triangle de Weimar qui avait été élargi au Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne. - A.de Tarlé: Mercredi, il y avait une réunion... Il n'y avait que 6 pays, l'Allemagne, la France, la Pologne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni, qui n'est pas dans l'UE. - Gal D.Trinquand: C'est un problème de volume de forces. On va parler de ce qu'on fait. La semaine précédente, il y avait déjà eu une réunion où il y avait l'Otan, les Britanniques et les 27. Il n'y avait pas d'Américains. Les
Européens se préparent. Le choc est important. Ce qui est intéressant, c'est que pour les Européens, on est à la résurgence des empires. On a eu des empires en Europe, qu'ils soient russe, allemand, français... Tous ces empires ont créé la guerre. On a passé cette époque. L'Europe n'est plus un empire. Mais qu'est-ce qu'elle regarde? L'empire américain. Pourquoi le Canada? Pourquoi le Panama? Pourquoi le Groenland? L'empire russe... Ca n'a pas changé. Il faut qu'on réalise qu'on doit revenir dans des rapports de force. Pour l'instant, on l'avait complètement oublié. Je ne vais pas revenir sur les dividendes de
la paix. Depuis 3 ans, l'Europe recommence, et merci monsieur Poutine, à se réarmer... Là, merci, monsieur Trump... Elle va être obligée... Je disais avant les élections "pourvu que D.Trump gagne"... "Je ne l'aime pas du tout mais ça donnerait un grand coup de fesses aux Européens. Le temps presse." - A.de Tarlé: D.Trump persiste et signe. Le président américain a annoncé que des responsables américains allaient rencontrer leurs homologues russes lors de la conférence de Munich qui se tient aujourd'hui. Cette information a été démentie par le Kremlin. Le but pour D.Trump: négocier une paix rapide en Ukraine directement
avec Moscou et ce, au grand dam de V.Zelensky. - C'est l'information commentée cette nuit sur toutes les télés américaines. - Trump a déclaré que les négociations pour la fin de la guerre en Ukraine devaient immédiatement démarrer. - Il a ajouté que les responsables américains et russes se réuniraient demain à Munich et que l'Ukraine était invitée à se joindre à eux. - Quelques heures plus tard, l'information est démentie par la diplomatie russe. Aucun représentant du Kremlin ne sera officiellement présent à Munich. C'est dans cette confusion qu'a démarré la conférence internationale sur la sécurité ce matin. A
son arrivée sur place, le président Zelensky rappelle l'importance de serrer les rangs face à la Russie. - V.Zelensky: Quoi qu'il en soit, l'Europe doit renforcer son unité autour de l'Ukraine. C'est important. Je parle de tous les types de soutien. C'est pour leur propre protection. - Au coeur des pourparlers, la question cruciale d'un accord de paix entre l'Ukraine et la Russie. Les Etats européens réaffirment leur soutien à Kiev et entendent bien peser dans les négociations. ... - O.Scholz: Une paix doit durer sur le long terme et garantir la souveraineté de l'Ukraine. C'est pourquoi nous ne soutiendrons
jamais une paix dictée. - Après avoir écarté les Européens de la table des négociations, les Américains semblent vouloir apaiser les tensions, même si à Munich, le vice-président J.D.Vance insiste: l'UE doit davantage participer au financement. - J.D.Vance: L'Otan est une alliance très importante. Nous voulons nous assurer que l'Otan sera solide à l'avenir. - Des grandes manoeuvres diplomatiques alors qu'à plus de 1000 km de là, sur le terrain, la guerre se poursuit. Cette nuit, tirs sur la centrale nucléaire de Tchernobyl. Sur cette image, un trou béant dans l'arche du bâtiment. Sur X, V.Zelensky indique qu'aucune augmentation de
radiations n'a pour l'heure été détectée. Il accuse l'armée russe de cette attaque. Le Kremlin s'en défend. - L'armée russe ne fait pas cela. C'est probablement une autre provocation, un coup monté. C'est ce qu'aime faire le régime de Kiev. - Une situation qui ne fait que renforcer l'inquiétude des Ukrainiens en difficulté sur le plan militaire. De l'autre côté du pays, à Kharkiv, les habitants déplorent des discussions bilatérales entre les Etats-Unis et la Russie. Ils n'accordent aucune confiance à D.Trump. - C'est une décision de 2 dictateurs. Il m'a semblé que les intérêts de l'Ukraine passent au second
plan. - Il a d'abord appelé Poutine et il a appelé notre président. C'est absurde, idiot. Nous défendons notre pays, maintenant. Les négociations doivent avoir lieu avec le chef de notre pays. Comment pourraient-ils décider de notre destin sans nous? Ce n'est pas correct. Je pense que ce n'est pas juste. - A Munich, les négociations vont se poursuivre jusqu'à la fin du week-end. - A.de Tarlé: I.Lasserre, question. - I.Lasserre: Non. En fait, elle peut continuer à résister plusieurs mois parce qu'il y a tout un tas d'armes qui vont de toute façon être acheminées à l'Ukraine... Elle a
augmenté ses capacités de production, notamment. Elle est passée maîtresse dans l'art de fabriquer des drones. Elle peut tenir un peu, mais à moyen terme, si les Etats-Unis se désengagent complètement de l'affaire ukrainienne, elle ne pourra pas tenir face à l'armée russe. Les Européens, pour l'instant, n'ont pas les moyens de prendre le relais des Américains. En gros, l'avenir de l'Ukraine dépend de l'aide américaine. C'est bien pour ça qu'on a ces discussions... Cette tentation de discussion directe entre Moscou et Washington. - A.de Tarlé: On a du mal à croire que les Britanniques plus les Français plus l'opinion
publique ukrainienne n'arrivent pas à tenir tête aux Russes. Ca patine depuis 3 ans en Ukraine. Ils ont eu du mal à avoir le Donbass. - Gal D.Trinquand: Je pense que l'Ukraine est capable de résister. Elle n'est pas capable de reconquérir. On en revient à la situation actuelle. L'Ukraine ne reconquiert pas le territoire qu'elle a perdu. Elle peut résister. Depuis 3 ou 4 jours, rien n'avance du côté de Pokrovsk, rien dans la région de Koursk. Ca piétine. Les Russes perdent plus d'hommes que les Ukrainiens. Combien de temps ça va durer? 6 mois? Il va falloir discuter
à un moment. Qu'est-ce qu'on fait? On continue à tuer des hommes sur place, du côté russe comme du côté ukrainien? Ca me paraît improbable. Sur la capacité européenne de produire... Elle a augmenté. Mais il y aura un manque s'il n'y a pas les Américains qui fournissent un certain nombre d'équipements. Certains sont payés pour 2025. On n'est pas sûrs que monsieur Trump, d'un coup de décret, ne puisse pas l'annuler. Ca veut dire un manque d'équipements pour les Ukrainiens. - A.de Tarlé: On voit que les Européens sont furieux et considèrent qu'ils sont trahis par l'allié américain. Comment
cette annonce, aux Etats-Unis, de D.Trump qui serre la main avec son ami V.Poutine, est-elle perçue? Est-ce que certains ne se disent pas qu'il donne le point à Poutine et qu'il n'obtient rien en échange? De façon incompréhensible, J.D.Vance, le vice-président américain, dans une interview, dit le contraire de ce qu'on explique depuis un quart d'heure. Il dit ceci. Il rétropédale en disant que si les Russes se tiennent mal, ils peuvent avoir une action militaire à leur endroit. - M.Jégo: Il est attendu à Munich. Il imagine ce que vont lui dire les Européens. - A.de Tarlé: Il a
peur de se faire engueuler. - M.Jégo: Ils disent qu'ils peuvent mettre plus de sanctions économiques, qu'ils peuvent plus aider l'Ukraine... C'est le contraire qu'on voit actuellement. Il y a eu une réaction de V.Orban, le petit télégraphiste de Poutine en Europe orientale, le Premier ministre hongrois, qui dit que c'est formidable que Poutine revienne dans le jeu... "On va tout rouvrir, les gazoducs... C'est la prospérité pour notre pays." - A.de Tarlé: Il est au sein de l'UE. - M.Jégo: Il y a aussi R.Fico, le dirigeant slovaque. On va avoir des élections cruciales en 2025. Les élections en
République tchèque, en Moldavie, et surtout en Roumanie... La Roumanie, c'est... Je crois que J.D.Vance a fait une déclaration sur la Roumanie... - F.Beaudonnet: Il a parlé à Munich. Il a donné aux Européens une leçon de démocratie. - A.de Tarlé: Le vice-président américain. - F.Beaudonnet: Il a dit: "Vous devez donner la parole à l'extrême gauche, à l'extrême droite. Il est inacceptable que vous ayez annulé les élections en Roumanie." En gros, "vous n'êtes pas des démocrates". Il nous a donné des leçons. Il nous a pris de haut et nous a expliqué comment la démocratie... L'Europe met en
avant que c'est le continent de la démocratie dans le monde. - A.de Tarlé: Après avoir été lâchés par les Américains, ils nous disent qu'on ne respecte pas les valeurs... - M.Jégo: Je trouve que R.Glucksmann pousse un peu le bouchon, mais il est dans le vrai. Ils viennent nous dire, à l'Otan... Le ministre de la Défense américain dit que la reconstruction, c'est pour nous... - A.de Tarlé: Il y en a pour 500 milliards. - M.Jégo: Quand les Américains disent que c'est pour nous, ils ont en tête les avoirs de la Banque centrale russe qui sont en
Europe pour la plus grande partie, plus de 200 milliards de dollars. Mais ils nous laissent un peu le bébé. Les garanties de sécurité, c'est vous aussi... - A.de Tarlé: On va refaire un mur de Berlin? - I.Lasserre: Ce qui est incroyable, c'est que les Européens espéraient un peu plus de mou sur l'Otan. Trump a reculé face à Poutine par rapport à décembre. Le plan en décembre, quand il a discuté avec Poutine... Ils s'étaient mis d'accord sur un moratoire de 15 ou 20 ans. Aujourd'hui, c'est pas d'intégration du tout à l'Otan. Trump a cédé aux injonctions
de V.Poutine entre le mois de décembre et le mois de février. Autre chose que les Européens espéraient... Ils espéraient quand même Que les Américains participent un peu aux garanties de sécurité. Sans Américains dans les garanties de sécurité, on risque de reproduire le mémorandum, le fameux mémorandum de Budapest de 1994 qui devait assurer la sécurité et le respect des frontières et la souveraineté de l'Ukraine qui étaient garantis par la Russie, les Etats-Unis, par la Grande-Bretagne, puis par la Chine et la France. Il a été déchiré en 10 secondes le jour de l'invasion en Ukraine. Les Ukrainiens
disent... - A.de Tarlé: Sans la garantie américaine, ça ne tiendra pas. - M.Jégo: Si les Allemands rejoignent le clan qui est un clan à 2 pour l'instant, la Grande-Bretagne et la France... Les Allemands ne tirent pas... - A.de Tarlé: Ils ne tireront pas sur les Russes. - I.Lasserre: Ca risque de se transformer... Poutine n'en fera qu'une bouchée. - Gal D.Trinquand: Les Américains, on a un peu l'habitude... Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale... Ils ne pensent qu'à eux. Ils ont coupé l'Europe en deux. - A.de Tarlé: Ils sont venus défendre la frontière occidentale... - Gal D.Trinquand:
Je rappelle... Première Guerre mondiale, ils sont venus en 1917, pas en 1914. Ils avaient un intérêt direct. Les Européens se sont retrouvés tout seuls ensuite. Deuxième Guerre mondiale, ils ne sont intervenus qu'en 1942. Ils sont intervenus quand ils ont été concernés par le sujet. Ensuite, qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils ont eux-mêmes dressé les plans. Churchill avait du mal vis-à-vis du président américain. Je ne dis pas qu'ils ne sont pas venus nous aider, mais dans leur intérêt, avec un plan. Il ne faut pas prendre nos désirs pour des réalités. Pas un seul soldat américain sur le
sol ukrainien, c'est depuis le début de la crise que c'est dit. 2e point: particularité de Trump. Il faudrait qu'on ne commente pas tout de suite ce que dit Trump. Il va dire des choses tous les jours. On attend 24 heures. Son administration, très souvent, n'est pas au courant. L'administration, après, rétropédale. - A.de Tarlé: F.Beaudonnet, on a compris que les Américains allaient se retirer de la guerre en Ukraine. On s'oriente vers un schéma RFA-RDA? A la frontière, ce seraient des soldats européens qui seraient chargés de veiller au respect de la paix, à ce que cette paix
soit maintenue? Qui on met dans ces soldats européens? Pour revenir sur ce qu'on disait tout à l'heure... Mercredi, on a eu un schéma différent, une autre Europe, avec les Anglais... Vous parliez des "6 grands". - F.Beaudonnet: Il y a 2 grandes armées en Europe, la France et le Royaume-Uni. On peut rajouter l'armée de terre polonaise, qui a augmenté ses capacités de façon très forte. La question se pose... L'Europe va se retrouver à gérer les garanties de sécurité. Ils ne veulent pas qu'il y ait de soldats américains sur le sol. Ca donnerait une ligne de démarcation.
- A.de Tarlé: Comme entre les 2 Corée. - F.Beaudonnet: C'est très compliqué. Si ça se passe dans le cadre de l'Otan sans les Etats-Unis, je ne vois pas comment ça fonctionne. Les Etats-Unis, c'est 70 % du budget de l'Otan. Si c'est uniquement les armées européennes entre elles, on ne sait pas très bien faire, quand même. L'interopérabilité, ça se fait beaucoup entre les armées. Dans le cadre de l'Otan, oui. Mais ne plus avoir l'Otan et se mettre d'accord pour envoyer des dizaines de milliers d'hommes... C'est très compliqué. - Gal D.Trinquand: Ce sont les mêmes. L'opérabilité est
la même. - F.Beaudonnet: Comment va se passer le commandement? Ce sera plus compliqué si c'est sous le commandement européen que si c'est sous le commandement de l'Otan. - Gal D.Trinquand: C'est l'arme aérienne. L'arme aérienne de l'Otan, ce sont les Américains. - A.de Tarlé: On a énormément de services secrets, que ce soient les services secrets allemands, qui nous ont dit que les forces russes allaient probablement mener une attaque contre l'Otan dès la fin de cette décennie. On a eu le directeur général de la gendarmerie française qui a dit qu'il fallait se préparer à une attaque sur
le sol. Les services secrets danois disent qu'il faut se préparer à une guerre de grande échelle en Europe d'ici 5 ans. Qu'est-ce qui nous fait dire que V.Poutine n'a pas qu'un seul rêve, qui est de nous faire une Troisième Guerre mondiale? - I.Lasserre: Il veut reconstituer un empire autour de la Russie. Dans cet empire, il y a des pays de l'Otan, comme les pays baltes. Ensuite, V.Poutine est déjà en guerre contre l'Europe. Il n'a pas envoyé ses chars franchir les frontières de l'Otan, mais il mène une guerre hybride de plus en plus violente et de
plus en plus systématique contre la plupart des pays d'Europe en faisant des ingérences dans les élections. - A.de Tarlé: En Roumanie, en Géorgie... - I.Lasserre: Même en Allemagne, en France. Il est en guerre contre l'Europe. C'était assez marrant... Je ne sais plus quel porte-parole s'exclamait à la télévision russe en disant: "C'est quand même formidable, notre objectif était de détruire l'Europe et en fait, c'est D.Trump qui est en train de faire notre job." Il suffit d'écouter ce que disent Poutine, les responsables russes et les propagandistes de la Russie. Si la Russie continue sur cette tendance... La
Russie est installée... Elle a une vraie économie de guerre. - A.de Tarlé: Ils ont un budget militaire supérieur à l'ensemble de l'UE. - I.Lasserre: Les usines ont été redirigées vers la partie militaire. Elles fonctionnent jour et nuit. Poutine aidé par ses alliés, la Corée du Nord, l'Iran... On peut ricaner, la Corée du Nord... C'est quand même des millions d'obus. Il est en train de se projeter dans une future guerre ou dans deux futures guerres. En face, on a des pays qui atteignent péniblement 2 %, quand ils les atteignent, à part la Pologne, qui a dépassé
4 % du PIB dans le secteur de la défense. On est loin du compte. Il y a un différentiel au niveau du réarmement et de l'armement, qui dans 5 ans, peut poser un très gros problème. - A.de Tarlé: On comprend mal cette obsession des Russes à rejouer des guerres napoléoniennes, qui pour nous appartiennent au passé. Quel est le logiciel russe qui fait qu'on veut reconstituer l'URSS? - M.Jégo: La Russie s'est constituée comme ça. Elle s'est constituée un empire, mais pas comme la Grande-Bretagne l'a fait, par exemple... - A.de Tarlé: Il aime la Russie débordante, Poutine.
- M.Jégo: En Russie, on n'aime pas Lénine. Lénine a rétréci la Russie. Il y a eu le traité de Brest-Litovsk. Il y a des régions qui sont parties. Staline, il est aimé pour ça. Il a agrandi. Après 45, ils ont pris Kaliningrad... Ensuite, tout le glacis soviétique de l'Europe orientale. A Yalta, il était question qu'il y ait des élections. - A.de Tarlé: Donc il restaure la grande Russie. - M.Jégo: Il restaure la grande Russie, c'est ça. Mais on peut quand même se demander... L'industrie de défense russe n'innove pas. Son missile Sarmat, dont il se vante
tellement... Ca ne marche pas. Il y a eu des essais complètement ratés. Il n'innove pas. Il fabrique de la vieille quincaillerie. Il y a quand même une corruption démentielle dans cette industrie de défense. Je ne vois pas très bien comment Poutine, qui est sur le pauvre Donbass... Il s'excite sur Pokrovsk... Les Russes vont prendre cette ville qui est une ville-clé sur le Donbass. Non... Il faut modérer... La vraie menace, c'est la guerre hybride. En France, un livre va sortir, d'une rédactrice en chef d'un média russe poutinien qu'on a interdit. Il ne s'agit pas de média...
C'est un peu la réponse de J.D.Vance... Russia Today et Sputnik, c'étaient des vecteurs de la propagande russe. Cet ouvrage va nous expliquer que Russia Today était extraordinaire... On nous fait gober des couleuvres. Pourquoi Fayard publie un livre qui sent le caniveau? - Gal D.Trinquand: Poutine a besoin de la guerre, de continuer la guerre. Il tient la société russe. Il a organisé l'économie. Pour lui, c'est un objectif. L'Ukraine est une erreur de calcul. Il pensait que ça tomberait rapidement. Là, il s'est enferré. Ca fait 3 ans qu'il est en train de piétiner. Il ne peut pas
perdre. Ils se disent qu'ils ont gagné le terrain. Ils transforment une défaite en un succès. A partir de ce moment, une dynamique se créée dans la population russe. "Poutine nous a rendu notre fierté..." - A.de Tarlé: Les 2 grandes puissances nucléaires discutent à nouveau... C'est ce qu'on lisait dans les commentaires en Russie. - Gal D.Trinquand: Les Russes sont fiers de leur pays. Poutine et Trump se disent qu'ils vont régler les problèmes entre eux, entre hommes, en face-à-face. - F.Beaudonnet: Sur les services secrets, c'est intéressant de voir la réaction en France par rapport à ces informations.
Quand je mets ça sur les réseaux sociaux, souvent, ce qui m'est dit, c'est: "Pas du tout. Ca ne marche pas. L'armée russe est déjà affaiblie." D'une certaine façon, Poutine a déjà gagné dans les esprits un peu en France... Ces alertes qu'il faut prendre très au sérieux... J'espère que je me trompe. Il y a toute une partie du monde occidental qui n'y croit pas. On se dit qu'ils sont très affaiblis, qu'ils ne vont pas aller attaquer la Pologne... Mais ça ne se passera pas comme ça. Ca ne sera pas une attaque le matin comme en Ukraine
et des colonnes de chars. Ce sont effectivement des attaques hybrides, des petits hommes verts... En Crimée, ça avait commencé comme ça. - A.de Tarlé: Sans écusson. - F.Beaudonnet: En Géorgie, ils sont en noir. Ca se passera comme ça. Depuis Kaliningrad, dans les pays baltes... Ils vont tester militairement l'Otan. - I.Lasserre: Il y a un film intéressant, un documentaire qui est sorti il y a quelques mois "The Apprentice", qui est un documentaire sur D.Trump. Au début du film, Trump demande à l'avocat quelle est raison du succès: "Attaque, attaque, attaque. Tu nies toujours. Transforme tout en victoire."
Je trouve que ces 3 choses s'appliquent aussi à V.Poutine. - A.de Tarlé: L'arrivée de D.Trump à la Maison-Blanche a confirmé les craintes des Européens. Les Etats-Unis sont un allié de moins en moins fiable. Les 27 seront-ils capables de construire une défense européenne à la hauteur des enjeux actuels? - Un avion russe a pénétré aujourd'hui notre espace aérien pendant une minute. - Un chasseur russe en territoire polonais. Une incursion de 6 km. Moscou plaide l'erreur de navigation. Le ministre de l'Intérieur polonais s'inquiète. - Je ne pense pas qu'il s'agissait d'une erreur de pilotage mais d'un nouveau
test du fonctionnement de nos systèmes de défense. - Nouvelle preuve pour Varsovie de la menace que constitue son voisin à l'est et qu'une défense européenne est indispensable. - D.Tusk: Si l'Europe veut survivre, elle doit être armée. Ce n'est pas notre choix. Je ne suis pas un militariste. La Pologne est l'endroit sur terre où personne ne veut qu'une guerre se reproduise. Pour éviter une répétition tragique de l'histoire, nous devons tous être forts, armés et déterminés. - Et la Pologne compte bien montrer l'exemple. Depuis le début du conflit en Ukraine, le pays a plus que doublé son
budget défense, 4,7 % du PIB cette année. Un record en Europe. Mais faut-il aller plus loin? L'Union doit-elle se doter d'une défense commune? - U.von der Leyen: L'Europe a besoin d'un sursaut en matière de défense. La guerre en Ukraine exige une puissance trop importante pour que chaque pays puisse l'assumer seul. C'est là que l'union des forces, la coopération européenne peut porter ses fruits. - Une Europe de la défense, l'idée remonte aux années 50 avec la Communauté européenne de défense. - A Bruxelles, la conférence des 6 sur la CED a connu 4 jours difficiles. - En
1992, le traité de Maastricht fait renaître le rêve de défense européenne. - Avec la politique étrangère de sécurité commune, c'est le défi le plus extraordinaire qui est lancé à nos pays. - En 2007, le dispositif est renforcé mais repose davantage sur une coopération volontaire entre pays membres, comme ici, au Sahel. En 2017, toujours pas d'armée européenne mais un accord sur un budget commun de défense. Plusieurs milliards d'euros pour des projets d'armement. Bilan aujourd'hui... - O.Scholz: Beaucoup de choses ne fonctionnent pas. Il n'y a pas de grands programmes que les Européens réalisent ensemble. Nous constatons une
grande fragmentation dans de très nombreux projets de défense. - Je pense que l'Europe a été un peu paresseuse en matière de défense. Monsieur Poutine nous a réveillés. Nous devrions dépenser davantage pour la défense. - Mais au moment de sortir le chéquier, la priorité européenne passe au second plan. Exemple avec ces avions américains qui équipent 8 pays de l'Union. Pour l'Allemagne, 35 chasseurs commandés il y a 2 ans. Idem en Belgique. Le Rafale français est boudé. A l'époque, le président n'avait pas caché son mécontentement. - E.Macron: C'est une décision liée à une procédure pour laquelle j'ai
beaucoup de respect et qui est belge. Elle est liée à des contraintes politiques du pays. Ca ne m'appartient pas de les commenter, mais stratégiquement, elle va a contrario des intérêts américains. - Aujourd'hui, le Fonds européen de défense permet le développement du futur avion de chasse franco-allemand. Il devrait être opérationnel d'ici 2040. - A.de Tarlé: Général, est-ce qu'il y a une prise de conscience de la part des Belges, des Allemands, qu'il ne faut plus uniquement compter sur les Américains et acheter des F-16 américains pour assurer notre propre défense mais raisonner en Européens, avec les Français? -
Gal D.Trinquand: On disait "merci, monsieur Poutine, d'avoir donné un accélérateur pour réaliser qu'un danger était là". Après les dividendes de la paix, il faut se réarmer. Merci, Trump. Il nous montre que l'alliance avec les Américains n'est pas fiable. Il va falloir sérieusement mettre en oeuvre... Au mois de mars, il y a un nouveau commissaire chargé de la défense dans la Commission de l'Union européenne. Il va déposer un rapport au mois de mars dans lequel on doit arriver à mutualiser les moyens et trouver des financements. Des financements communs pour acheter commun. Je parlais de la prééminence
de l'armée de l'air américaine. Sans elle, on ne fait pas une guerre. Les Européens ne sont pas capables de faire une guerre comme les Américains l'imaginent, avec l'armée de l'air. Ca a un impact sur les finances. On dit que 63 % des équipements achetés par les Européens sont achetés aux Etats-Unis. C'est en argent. Le F-35, ça coûte 170 millions. - A.de Tarlé: Là où le Rafale coûte 100 millions. - Gal D.Trinquand: Le Caesar coûte 4 millions. - A.de Tarlé: On se ruine en achetant des avions et du matériel américains? I.Lasserre, c'est l'appel d'E.Macron, ce matin,
qui dit "réveillons-nous". Il dit "faisons ça en Européens et arrêtons d'acheter en pensant américain". Les Français n'écoutent plus E.Macron. Les Européens l'écoutent-ils encore? - I.Lasserre: Oui et non. La crise politique française le dessert. Non, parce que la situation économique catastrophique de la France le dessert. Non, parce que sa politique du "en même temps" en politique internationale n'a pas été comprise par la plupart des pays européens. C'est quand même le leader d'un des 2 plus grands pays européens. C'est un membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU. Il a toujours eu raison sur sa vision de
l'Europe de la défense et de la nécessité de booster les budgets de la défense et d'aller beaucoup plus loin. Longtemps, la France a été la seule à dire ça. E.Macron l'a répété avec beaucoup d'insistance et beaucoup d'allant. La France a la puissance nucléaire. Pour toutes ces raisons et après avoir eu une politique un peu en yo-yo vis-à-vis de la Russie et de l'Ukraine, c'est vrai que depuis un an, il s'est tenu aux côtés des Ukrainiens. Il est assez ferme dans son soutien à l'Ukraine. C'est quand même l'un des leaders qui tient relativement la route vis-à-vis
de l'Ukraine. - A.de Tarlé: Comment nos partenaires européens voient-ils cette proposition d'E.Macron de cesser de compter sur les Américains? - F.Beaudonnet: Je crois que vous avez tout dit dans la question. Je crois que c'est vraiment le problème. Quand on dit qu'il faut une défense européenne... Nos partenaires, amis et alliés entendent "les Français veulent vendre leurs armes". C'est ça qui est entendu partout. Sur la défense européenne, il faut être clair. L'idée d'une armée européenne, personne n'y croit, même pas la France. Si vous avez une armée européenne, il faut la constituer. Ce n'est pas simple. Qui décide?
Qui est le chef? Qui appuie sur le bouton pour aller se battre? Est-ce que des soldats français qui font partie de cette armée vont accepter de mourir pour tel ou tel pays? C'est très compliqué. L'armée européenne, honnêtement... Je serai à la retraite depuis bien longtemps s'il y en avait une. - Gal D.Trinquand: On parle de défense européenne et pas d'armée. - A.de Tarlé: Ca veut dire du matériel? - F.Beaudonnet: Ca, c'est beaucoup plus possible. C'est très morcelé. Il y a un char américain... On en a 17 en Europe. On ne fait pas les choses en
commun globalement. Il y a quelques programmes en commun mais les choses ne sont pas faites en commun. Il y a aussi quelque chose qu'il faut bien comprendre, c'est que chaque pays... La défense reste un phénomène régalien. On a souvent dit aux commissaires qu'on faisait ce qu'on voulait. On est loin d'une mutualisation... De Bruxelles, ils ne savaient même pas ce qui était produit dans chaque pays. Ils ont découvert des productions d'armements qu'ils ne connaissaient même pas. - A.de Tarlé: Sans aucun chauvinisme, d'un point de vue d'équipement et de matériel, est-ce que les Français ont tout pour
avoir une grande armée? En avions, en canons, en tanks... - Gal D.Trinquand: On a beaucoup parlé des difficultés budgétaires de la France. Dans le budget 2025, les 3,3 milliards d'augmentation du budget de la défense ont été actés. C'est une bonne nouvelle qui n'était pas gagnée. Dans un budget restreint, on a quand même fait une augmentation qui était nécessaire. Pour revenir sur les équipements... La France s'est dotée d'équipements... Ca fait 7 mois qu'on est en augmentation et en doublement du budget à la fin... La France a restructuré sa défense. Elle n'est pas capable de tout faire.
On parle du MGCS, le char futur qu'on va faire avec les Allemands. Nous, on a fini de construire les Leclerc. Il faut qu'on attende la prochaine... - A.de Tarlé: Pourquoi est-ce que les Allemands ne pourraient pas faire les chars, et nous, les Rafale? - Gal D.Trinquand: Derrière les Etats, vous avez les entreprises. Pour les blindés, on a un programme CaMo qu'on fait avec les Belges, les Luxembourgeois. Tout ça, c'est en bonne voie. On s'est réveillés il y a à peine 3 ans. On ne va pas changer 30 ans de mauvaises habitudes où on se disait
"on se désarme, la guerre n'est plus possible. Les Américains sont là si on a un problème". Tout ça ne se fait pas en 48 heures. - A.de Tarlé: Depuis le début de la guerre en Ukraine, les tensions entre l'Otan et la Russie se multiplient. Sous les mers, les câbles de communication sont devenus un véritable enjeu de sécurité européenne. L'Otan a demandé à une start-up française de l'aider dans la surveillance des câbles sous-marins. - C'est un bateau russe surveillé comme le lait sur le feu par la marine britannique ces dernières semaines. Le Yantars, c'est son nom.
Il est accusé par Londres de cartographier les câbles sous-marins pour préparer les opérations de sabotage. - Je vais être très clair: c'est un navire espion russe pour récolter des renseignements et cartographier des infrastructures sous-marines critiques de la Grande-Bretagne. - Dans un monde ultra connecté, ces câbles sous-marins permettent d'échanger par Internet. En mer Baltique, ce réseau est particulièrement dense et très vulnérable, à quelques kilomètres de la Russie. Ces dernières semaines, plusieurs câbles ont été coupés et endommagés par des bateaux suspects: équipages russes, navires chinois... Des enquêtes sont lancées. Les pays riverains de la Baltique haussent le
ton et mettent en garde le voisin russe. -4 câbles ont été endommagés. Nous avons été capables de maîtriser la situation et de localiser le bateau en question. - En ce moment, des câbles sont encore endommagés. Cela ne peut pas être une coïncidence. - Face à cette menace, l'Otan lance l'opération Sentinelle Baltique. Depuis janvier, des navires de guerre et des avions de patrouille maritime quadrillent cette mer intérieure, comme l'équipage de cet agent français. - Typiquement, on voit un bâtiment de commerce. - Jusqu'à présent, les navires identifiés qui ont coupé des câbles sont des bateaux civils. Ils
ont endommagé les infrastructures en traînant leur ancre sur les fonds marins. Ces militaires français vont contrôler 200 bateaux ce jour-là. - On va aller voir avec nos caméras les échos qui nous intéressent. On va essayer de savoir si c'est du bâtiment civil ou du militaire. Est-ce qu'ils ont une activité normale ou qui nous paraît suspecte? - Si on arrive à identifier le navire, on va savoir s'il l'a fait volontairement ou pas. C'est tout l'enjeu de ces actions un peu grises. On est sous la mer, ce qu'il s'y passe est très compliqué. - Pour protéger ces
milliers de kilomètres de câbles, l'Otan compte déployer une armée de robots et de drones sous-marins. Une start-up française compte bien en profiter. - On est prêts à aller en mer? - Près de Nantes, cette entreprise a développé un capteur unique au monde. - Il va émettre un champ électrique sous l'eau au sein duquel on va pouvoir détecter et caractériser les intrusions, des cibles et offrir un nouveau mode de perception robot. - Explosifs cachés, sous-marins ou appareils espions... Voilà ce que cette technologie permet de vérifier le long des câbles. La start-up planche également sur une version
qui pourrait être disséminée le long du réseau, comme des caméras de surveillance. - Les drones et ces capteurs permanents font partie des 2 armes de dissuasion pour s'assurer de décourager les intentions malveillantes et identifier plus rapidement un sabotage en cours. Prendre quelqu'un en flagrant délit de sabotage, c'est très difficile dans un contexte de guerre hybride. - Un nouveau câble sous-marin a été endommagé il y a quelques jours en mer Baltique. Cette fois-ci, c'est un câble russe qui a été sectionné. - A.de Tarlé: Question. - M.Jégo: Tout ça suscite beaucoup d'inquiétude. On voit qu'il y a
quand même une organisation avec l'Otan qui patrouille. On parle des câbles... Les câbles, c'est très embêtant, mais on peut les réparer. Imaginez tout ce trafic de la flotte fantôme russe, ces tankers qui sont de véritables bombes écologiques, ces navires qui ont été achetés par la Russie et Poutine au début du conflit ukrainien. Il savait qu'il allait être limité sur ses importations de pétrole. Ils ont acheté une flotte énorme. C'est quelque chose comme 600 ou 700 navires à prix cassé. Des navires dans un état de fatigue... Il y en a un qui vient de couler il
y a une semaine au large de Saint-Pétersbourg. Ca inquiète beaucoup les Finlandais... 130 000 t de pétrole à bord... Il a coulé. Les Finlandais sont inquiets. Les Russes disent que tout est sous contrôle et que tout va bien. Avec eux, tout va toujours très bien. C'est particulièrement inquiétant. Souvent, ces navires commerciaux ont plusieurs fonctions: une fonction de sabotage avec les câbles... Ils ont une autre fonction qui est de cartographier, d'espionnage. Ils embarquent à bord des radars et ils espionnent tout. - A.de Tarlé: On n'arrive pas à les repérer? - Gal D.Trinquand: 2 remarques. La première,
c'est que grâce à monsieur Poutine, la mer Baltique est devenue une mer de l'Otan. La Suède et la Finlande ont rejoint, et tout ça, c'est l'Otan. L'Otan déploie une opération pour surveiller la Baltique. Les 2 enclaves qui ne sont pas de l'Otan, c'est Saint-Pétersbourg et Kaliningrad. C'est tout. Au passage, le câble russe dont on parlait est un câble qui reliait Saint-Pétersbourg à Kaliningrad. Il a été coupé et... Allons chercher qui l'a coupé. C'est très intéressant. - A.de Tarlé: C'est peut-être les Européens? - Gal D.Trinquand: Je trouve intéressant que le câble qui relie Kaliningrad et Saint-Pétersbourg
ait été coupé et que Kaliningrad se trouve donc coupée du territoire russe. Je ne fais pas de commentaire. C'est intéressant, c'est tout. Il faut arrêter d'être naïf. Il y a des moments où il faut peut-être faire quelque chose. Le 2e point, je vais faire un petit cocorico. Vous citiez une société française qui met des drones qui commencent à surveiller. La France est le pays qui a la plus grande flotte de poseurs de câbles au monde. La bonne réponse au câble, c'est bien sûr de les surveiller et de les multiplier. - A.de Tarlé: C'est l'ancienne Alcatel
Submarine qui déploie ces câbles dans l'océan. - Gal D.Trinquand: La bonne réponse pour les câbles, c'est de les surveiller ou de les multiplier. Comme ça, vous avez moins de chances de pouvoir couper complètement les connexions. - F.Beaudonnet: Ces câbles n'appartiennent plus à des opérateurs téléphoniques comme c'était le cas avant, mais ils appartiennent maintenant à Apple, Google... Ce sont les Gafam... Ils passaient par des opérateurs téléphoniques, mais ils se sont rendu compte que c'était mieux de le faire eux-mêmes. Avec ces câbles, on peut faire 35 fois le tour de la terre. Ces câbles, ça leur appartient.
- A.de Tarlé: On revient à vos questions. M.Jégo, vous qui parlez russe, question. - M.Jégo: Pour Poutine, l'intéressant est de retourner le discours. Finalement, Trump, c'est ce qu'il fait en permanence. Il fait un écran de fumée en disant que c'était une guerre sans raison, sans aucune raison. On ne sait même pas pourquoi il y a eu la guerre à la fin. C'est presque Zelensky qu'on tient pour responsable de ce qui s'est passé. C'est très problématique. - A.de Tarlé: C'est ce que pensent les Russes? - M.Jégo: Non. C'est difficile d'avoir des retours de ce qui se
passe précisément. Il n'y a pas de sondages d'opinion fiables... C'est difficile. Les Russes sont alignés derrière Poutine. Certes, il y a une résistance, des gens valeureux... - A.de Tarlé: Ca veut dire qu'il n'est pas inquiété à la tête du Kremlin? - M.Jégo: Ce côté-là, il n'y a qu'une solution, c'est la faillite économique. - A.de Tarlé: Et il arrive malgré tout à vendre son pétrole. - M.Jégo: Il retire un demi-milliard de dollars par jour de pétrole. Avant la guerre, c'était 1 milliard. 50 % de moins. - A.de Tarlé: Pourquoi D.Trump ne veut-il pas que l'Ukraine entre
dans l'Otan? - I.Lasserre: Il perdrait l'Ukraine. L'Ukraine basculerait dans le camp des démocraties occidentales. Parce que D.Trump ne croit pas en l'Otan. En 2016, pendant sa campagne électorale, il avait dit que l'organisation était obsolète. Il ne veut plus de guerre. Il est dans un processus de retrait de toutes ces affaires. Il méprise les organisations internationales et tout ce qui est multilatéral. Il veut aussi, sans doute, mettre fin à la guerre en Ukraine avec un deal avec V.Poutine... Il ne veut pas que l'Ukraine entre dans l'Otan, à la manière de la Géorgie... Il veut empêcher que
ces pays entrent du côté occidental. - F.Beaudonnet: D.Trump donne des gages à V.Poutine. Bizarrement, il reprend les arguments de V.Poutine. C'est la même chose quand il demande qu'il y ait des élections en Ukraine. C'est pareil. V.Poutine demande ça. Il considère qu'il est illégitime, V.Zelensky. Il veut qu'il y ait des élections. Tant qu'il y a la loi martiale, il ne peut pas y avoir d'élections. Dans les 2 cas, il donne des gages... La négociation commence... Il cède déjà énormément à V.Poutine. - I.Lasserre: Il y a toute l'histoire de l'escalade. Aux Etats-Unis comme en Europe, on a
toujours peur de l'escalade. Il ne faut surtout pas provoquer V.Poutine de peur qu'il utilise la bombe nucléaire. On accepte donc ses lignes rouges. Poutine a toujours présenté l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan comme une ligne rouge. On a tellement peur qu'on la reprend à notre compte. - A.de Tarlé: Question. D.Trump avait dit que J.D.Vance, son vice-président, rencontrerait des émissaires russes à Munich pour discuter de ce plan. Finalement, les Russes ne sont pas venus parce qu'ils sont sur liste noire et qu'ils auraient été arrêtés dès la descente de l'aéroport à Munich. - Gal D.Trinquand: Il faut toujours
attendre 24 heures après les déclarations de D.Trump pour vérifier ce qui va être fait. Il parle toujours tout seul et son administration n'est pas toujours au courant de ce qu'il va dire. On a eu 4 ans d'expérience avant où il a procédé comme ça. Il faut qu'on se réhabitue à ce procédé. - A.de Tarlé: On n'a pas parlé de la Chine depuis le début de cette émission. Comment voit-elle cette reddition américaine vis-à-vis de l'Ukraine? - I.Lasserre: Elle s'est félicitée de ce rapprochement entre Moscou et Washington. - Gal D.Trinquand: J'étais à un think tank chinois, hier.
La Chine est en train de faire une tournée en Europe car ils ne savent pas comment prendre ce qui se passe avec Trump. Les Chinois disent que l'Europe est merveilleuse. - A.de Tarlé: Les Européens sont déçus par les Américains donc ils vont se jeter dans les bras des Chinois? - Gal D.Trinquand: Le marché européen est extrêmement important pour les Chinois. Ils veulent absolument se rapprocher des Européens parce que le problème, c'est la panne économique chinoise qui a besoin de redémarrer. Pour cela, elle a besoin du marché européen. - A.de Tarlé: Merci. Restez avec nous sur
France 5. - A.-E.Lemoine: Au programme, la Sans-Valentin, la contre-fête des amoureux. Un témoignage: celui de M.Bouhafsi qui raconte sa banlieue, un paradis