Est-ce que, Justin, tu pourrais nous raconter cette fameuse histoire que tu as racontée juste avant, de ce vieil homme en apparence charmant ? C'est une histoire qui remonte un petit peu, mais j'étais à Paris. J'ai été vers Châtelet, c'était en pleine journée, donc en après-midi, et j'étais tout seul.
Je me baladais, je m'étais assise sur une marche pour regarder un truc sur mon téléphone. Je dois dire que c'était près du Château du Bois, c'était à Châtelet, je ne me rappelle plus exactement, mais en gros, c'était dans une petite ruelle à côté de la station de métro. C'était en journée, en plein jour, au début de l'après-midi.
J'ai vu un vieil homme qui venait me voir, qui avait l'air assez sympathique en apparence puisqu'il était très rondouillard, avec des cheveux blancs, enfin habillé un peu comme un pêcheur. Moi, je passais, je n'y faisais pas trop attention, et il vient vers moi et me dit : « Excusez-moi, mais je vous ai vue, vous avez un sacré look, et je trouve ça sympa ! » Il me précise : « Par contre, je suis gay, j'espère que ça ne vous dérange pas.
» Je lui réponds : « Non, pas de souci, c'est très bien et tout, parce que j'ai eu beaucoup d'homophobes avant. » Il commence à me parler et me dit qu'à part pour les bons, il me demande si j'ai déjà posé pour des peintres, des choses comme ça. Je me dis qu'il le faisait dans un sens un peu étrange, et certaines de ses remarques étaient déjà de quoi mettre la puce à l'oreille.
Mais si je peux me permettre, juste pour le coup du peintre, j'ai souvent entendu : « Est-ce que tu as déjà posé pour des photos ? » Ça, c'est très commun puisqu'on arrive en flattant, à côté de dix mannequins, c'est malin d'une certaine manière. C'était au début, en tout bien tout honneur.
Donc, on discute rapidement et moi, j'étais tout seul, il venait me parler comme ça dans la rue. Je me suis dit : « Bon, il n'a pas parlé à grand monde aujourd'hui, ça va faire plaisir. » Donc c'était normal.
Et en fait, de cette conversation tout à fait normale avec une personne qui avait un peu pris ma confiance, il a commencé à dévier la conversation pour me dire que j'étais vachement… En fait, tout ça, au début, je ne pensais pas forcément à ce qu'il m'avait dit avant : « Oui, je suis gay », mais je n'étais pas obligée de le croire directement. Ça me paraissait tellement bizarre de mentir pour ça. Mais en fait, il est arrivé à un moment où il m'a demandé si je voulais, en gros, le masturber pour de l'argent.
Sur le coup, j'étais choquée. Je me suis dit : « C'est une blague ! » Il a répondu : « Oui, j'aime bien ce genre de truc.
» Je lui ai demandé s'il avait déjà fait des choses comme ça. Il a dit que ce serait bien et ensuite, il a ajouté : « Est-ce que ça te dirait de me mettre un coup de pied dans les couilles ? Je te paie pour ça.
» Alors, je suis désolée, mais vraiment, sur le coup, j'ai eu un petit moment de confusion. Je me suis demandé : « Qu'est-ce qui se passe ? » La conversation a dévié très rapidement.
Tu l'as peut-être rendue hétérosexuelle, c'est peut-être ça. Je pense que c'est probablement de ta faute, sûrement de ma faute. Du coup, j'ai commencé à me lever en lui disant que je m'excusais, que j'allais y aller parce que ce n'était pas du tout ça que je voulais.
Je pense qu'on s'était mal compris. Au moment où je pars, en fait, il profite de ce dernier instant pour me pousser légèrement et mettre ses mains sous mon t-shirt et commencer à me toucher. Alors, à un moment, tu t'en fous, tu partais.
J'étais assise, et lui, il était debout. Quand j'ai commencé à me lever, j'étais tellement prise de court que je ne me suis pas dit que c'était un malade, que je devais partir en courant. Mais ça m'a tellement pris de court, j'étais dans mon rôle de « désolée, je vais y aller » en essayant de rester tranquille en partant.
Mais là, tu n'étais pas encore trop choquée à ce niveau-là. C'était plus surprenant qu'autre chose. Je me suis dit : « Bon, c'est juste leur espèce de détraqué qui essaie de voir une jeune fille dans la rue.
» D'ailleurs, faut le dire, j'avais dit qu'il était très vieux et il m'avait demandé mon âge. J'avais 16 ans à l'époque, donc je crois qu'il était en train de me toucher. À ce moment-là, je me suis dit que n'importe qui aurait pu crier « au secours » ou quelque chose comme ça, mais sur le coup, c'était… Tellement surprenant et choquant que la première chose que j'ai faite, en fait, a été de ne rien pouvoir dire, même pas pour lui dire d'arrêter ou de le pousser ou de faire quelque chose comme ça, et j'étais juste totalement sidéré, paralysé.
Oui, quand il avait les mains sur elles, bon, ça ne va pas durer très longtemps, mais sur le coup, il y a un petit instant de choc, comme "est-ce que c'est vraiment en train de m'arriver à moi ? " Ça, c'est le truc qui arrive dans les films, des témoignages. Quand on avait fait divers, là, je suis en pleine journée à Paris, en été, comment est-ce que ça peut arriver ?
Il y avait des gens qui passaient pas très loin, enfin, pas dans la rue, mais à l'œil, au loin. C'est assez particulier, je voyais ça, ça faisait un vieil homme juste devant moi. C'était un choc souhaitable pour ceux qui disent aussi qu'un peu le temps, donc on ne se rend plus trop compte de l'endroit où on est, du temps, c'est de tout ce qui se passe.
Tout va très vite d'un coup, en fait, donc c'est un blocage, quoi. C'est ça, et ça arrive souvent. Enfin, pour des cas, moi, j'ai eu de la chance, entre guillemets, c'était juste ça, et j'ai réussi à me reprendre un peu.
Sinon, je ne sais pas trop ce qui se serait passé. Peut-être que le type se serait dit "Ah bah tiens, les courses, on ne devait rien dire. " Et c'est souvent des choses comme ça qui peuvent arriver, que ce soit du harcèlement sexuel ou des cas les plus graves de viol.
Ça arrive souvent, c'est cet état de sidération. Mais voilà, bah ça, c'est oui, il faut le dire, ça arrive très souvent. Et ça, je crois que c'est un point que peut-être nous, les hommes, on a un peu du mal à appréhender parce qu'on voit une fille qui ne réagit pas dans une situation qu'on veut, qu'on ne sait pas trop ce qui se passe, en fait.
Et on est, du coup, on se dit que, bah, il ne doit rien se passer. Forcément, si la fille reste impassible, elle a l'air plutôt calme, plutôt détendue, alors qu'en fait, elle est presque choquée, quoi, tout simplement. Quand on voit une personne dans une situation un petit peu bizarre, ça peut être bien, je pense, de lui demander tout simplement si tout va bien.
Et moi, je t'avais raconté une anecdote la semaine dernière, je vais la raconter à nouveau. J'étais en train de me balader à Bastille un samedi soir, rue de la Roquette, je crois. C'est la rue un petit peu craignos, quoi, pas forcément bien famée.
Et donc, je passe devant deux petites nanas qui étaient assises par terre juste à côté d'un bar, qui étaient en train de manger une salade, c'était vers 22 h à 23 h à peu près, c'était le samedi soir, quoi. Et je passe devant pour aller m'acheter une banane, je crois. Et je vois qu'elles étaient là toutes les deux.
Je reviens cinq minutes après et je vois qu'il y avait un homme debout qui était en train de leur parler juste au-dessus, juste au-dessus d'elles. Il était debout, elles étaient assises. Et en fait, en passant, si je n'étais pas passé cinq minutes avant, je me serais dit que ces trois personnes-là se connaissaient.
Je suis arrivé devant le groupe déjà et je voyais les filles qui regardaient par terre, en fait, donc elles regardaient leurs salades. Elles avaient le regard plongé dans leurs salades, et le mec qui était en train de faire des gestes devant elles, le parlant, et du coup, j'arrive, elles ne me voient même pas arriver, en fait. Et je leur demande, "Excusez-moi, les filles, vous le connaissez ?
" Non, je leur dis, "Tout va bien ? " Je crois qu'elles ne répondent pas. C'est un truc de ouf, je leur ai dit, "Tout va bien ?
" Deux, elles ne répondent pas, et après je leur dis, "Vous le connaissez ? " Là, elles s'empressent de me dire non, comme ça, mais elles ne parlaient même pas, en fait. Elles étaient en train de faire un geste comme ça, c'était très.
. . Ça m'a fait presque de la peine, quoi.
En fait, il faut le dire, on n'est pas des bêtes. Et à ce moment-là, je me suis rendu compte qu'en fait, les nanas, je pense, c'est mon hypothèse, parce qu'après ça s'est passé vite, mais à mon avis, elles étaient paralysées un peu comme toi, et elles ne savaient pas, même si elles étaient deux, elles ne savaient pas comment réagir. Et donc le fait que j'arrive, en fait, j'aurais juste posé une question fermée, il y avait une réponse oui ou non, même pas besoin d'émettre un son.
Je pense que ça les a sorties de leur torpeur et ça les a déjà bien débloquées. Donc moi, une fois que j'ai vu qu'elles n'étaient pas ensemble, deuxième chose, on en reparlera plus tard, je pense, mais je leur ai juste dit, "Venez avec moi. " J'aurais dit, "Bah, venez, on y va, les filles.
" Mais ce n'est pas ce réflexe. En fait, ce n'est pas le réflexe de tout simplement bouger de là où elles étaient coincées avec leur salade, comme ça. Je dis, "Venez avec moi.
" Elles se lèvent. Il a fallu tendre la main pour qu'elles se lèvent, et je les ai amenées à deux pas de là où elles avaient leurs amis dans un bar. En plus, leur pote était dans un bar et tout.
Et donc, j'ai ramené à leurs potes, quoi. Fait de dire "coucou, je suis là où venait avec moi", ça déjà ça suffit. Ça peut être aussi bien de s'interposer entre la paire, le l'emmerdeur et les victimes.
Ça aussi c'est intéressant, une fois qu'on a vu qu'il y avait un problème. Heureusement, donc là on a eu la première anecdote. Et pour l'après, tu te sens comment après ça ?
Est-ce que tu avais certaines émotions sur le coup ? C'est dur de se rendre compte de ce qui arrive. Est-ce que ces enzymes.
. . enfin, techniquement, je n'ai pas été blessé, ça aurait pu être plus grave encore.
Aux imans, c'est juste un truc bizarre qui m'est arrivé. Mais c'est dur de ne pas se sentir très, très mal par rapport à ça parce que ça te fait sentir dégradé. C'est l'impression que quand tu apprends quelque chose que toi, tu n'as pas voulu donner.
Donc, c'est en tard, c'est plus qu'une invasion de l'intimité, quoi, là. C'est vraiment honte d'apprendre quelque chose en plus. Voilà, moi j'avais 16 ans, donc c'est un peu.
. . c'est pas.
. . c'est encore plus, encore, plusieurs sur un stage là.
Et c'est. . .
on a honte de soi-même, en fait. Ce qu'on se dit, donc d'une certaine façon, je me suis dit : "Pourquoi est-ce que j'ai discuté avec cet homme ? Pourquoi je ne suis pas parti, dirais que je n'ai pas insulté, qu'il m'a dit des choses comme ça ?
Pourquoi je ne me suis pas douté tout de suite ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas bougé, que je n'ai rien fait ? " J'aurais pu mettre une grosse patate, un pied dans les couilles, comme une demande, et partir, quoi.
Mais sur le coup, c'est décevant par rapport à soi-même, c'est décevant par rapport aux autres, parce que c'est dur d'avoir confiance aux gens après. Parce que c'était quelqu'un d'assez normal, quoi. Ce n'était pas quelqu'un avec un couteau dans une ruelle sombre.
Et imagine, c'est arrivé à seulement 16 ans. Ça veut dire qu'en fait, c'est assez intéressant comme à saison. Déjà, tu tues, tu vas développer d'une sortir un grand mot des stratégies de coping, comme on dit en psycho, des stratégies d'adaptation pour être l'une plus normal.
Et presque, c'est comme si, presse ton cerveau, se reformate un petit peu pour te rendre en tête plus froide aussi, pour te protéger un peu la prochaine fois qu'un mec sympa, le prochain vieillard sympa qui te dira. . .
qu'est-ce qu'il t'avait dit au début ? "Je suis homosexuel", oh, qu'il m'avait complimenté sur ma tenue, ensuite qu'il m'avait dit "inquiète, je suis gay", tout là. Donc on peut être sûrs que le prochain leader qui vient de te dire "tu as une belle tenue", et qu'il dit "je suis homo", là tu vas.
. . tu vas être très méfiante, quoi.
Je pose, tu n'as peut-être pas lui envoyer un coup dans les couilles, mais tu vas. . .
bah oui, c'est ça. Parce qu'après, enfin, comme ça nous arrivons déjà. .
. bon, c'est moi, c'est une expérience qui est assez violente. Ce n'est peut-être pas arrivé à toutes les filles.
Même des expériences moins graves que ça, c'est comme si c'était en répétition. Et souvent, plus ça va, plus on est méfiante par rapport à n'importe qui. Moi, ça m'arrive des fois, quelqu'un qui en parlait, mais en tout bien tout honneur, vraiment façon sympathique.
Et sur le coup, je suis très sur mes gardes, je me demande. . .
je regarde la personne, j'essaie d'analyser vite fait ce que c'est : quelqu'un qui croit ou pas, oui. Et comment tu fais ton heure ? Bah, je vois.
. . des fois, c'est dur de savoir.
Mais parce que, comme je disais, par exemple, cet homme-là, je ne l'aurais pas su sur le coup. Mais j'essaie de voir si je les écoute ou pas, ou si la personne a quelque chose à me dire. Enfin, je vois si quelqu'un m'arrête dans la rue, et je vais enlever mes écouteurs.
Je veux dire, je vais. . .
être un peu : attends, qu'est-ce qu'il va me dire ? Est-ce qu'il va être un peu agressif ? Est-ce qu'il va faire un grand commentaire dégradant ?
Ou est-ce que c'est juste quelqu'un qui veut me parler gentiment, quoi ? Mais j'attends que de voir ce que la personne a à me dire ou ce qu'elle va faire. Mais c'est vrai que souvent, voilà, on est un peu pressé, on met de la distance physiquement avec la personne.
Lui, je confirme ce que je dis tout le temps, c'est-à-dire que la première chose à laquelle pense une femme qu'on va, mais qu'on essaie d'interagir dans la rue, plus particulièrement, c'est vraiment : menace ou non, menace ou non, menace ou non ? Mais nationaux, il faut très rapidement catégoriser. Est-ce que c'est une menace ou quoi ?
C'est animal d'une certaine manière, instinct de survie. Et est-ce que je dis aux hommes, du coup, c'est répondre tout de suite à cette question-là, en fait. Donc il y a l'apparence, mais il y a aussi le fait de démontrer qu'on a de l'empathie.
Tu me disais cette étoile à l'emploi qui me disait : "Je le crois, si le gars te dit je ne suis pas un harceleur". Rien que ça, il fait une sorte de pas dans la rue, Marion Cclin, quoi, en disant "ouais, t'inquiète, j'ai vu toutes les vidéos de Marion". C'est clair, déjà rare qu'un type dirait ça, en fait.
Tu dis : "C'est bon, c'est CC, il valise par méchant". Ça te fait rire, de tout de suite, être moins sur leurs gardes. Mais Winch, c'est une petite bonne.
. . un truc comme ça.
On me donne juste même un truc pour assurer en mode "t'inquiète, je ne vais pas t'embêter", pour montrer. . .
voilà, si jamais la fille ne se sent pas mal à l'aise, en tout comme ça que tu peux juste partira. Pas, tu as peut-être insistant. Qu'il est entré, c'est presque comme s'ils mettaient des mots sur la peur que tu avais dans ta tête à ce moment-là, et ces salles ont pâti, en fait.
C'est répondre à la question qui se passe dans ta tête, à faire de la marion, peut-être après, ou Marlène Schiappa. Tu dis : "Moi, je suis un chat, piste où je suis. " Voilà, tut tut tut tut tut, juste tu mets en avant le fait que tu connais tout simplement les histoires de harcèlement et ce que vivent les nôtres.
Pas besoin de faire des trucs drôles, mais c'est vrai que l'humour, ça permet de détendre l'atmosphère, et la fille elle-même, voilà, va être détendue, même pas forcément foncièrement, mais tout de suite. Sauf que, paradoxalement, là, du coup, c'est les filles qui doivent faire preuve d'empathie pour les hommes. Quand un homme parle bien de femmes, ici, c'est un homme gentil ; il sera stressé, et comme il est stressé, il ne sera pas drôle.
Et donc, j'en ris. Iba Guèye qui commence à être un peu à regarder partout, pas sûr de lui, justement, peut dire qu'il est louche, il peut te faire peur. Ouais, donc si vous êtes timide, n'allez surtout pas faire d'approche.