Il existe depuis le 18e siècle. C'est une invention française. Tout le monde le connaît, mais il est rare qu'on en parle sans gêne.
Il s'agit du bidet. Les dictionnaires français ont longtemps hésité à donner une définition précise de cette chose qui évoque à la fois la nudité, la sexualité, la prostitution, la contraception, le libertinage. .
. À travers les siècles, on l'a qualifié de guitare sans cordes montée sur 3 pieds, boîte à violon en porcelaine, petit meuble au nom équestre et incivil à prononcer, pièce d'eau des cuisses, ou, encore plus évasif, meuble de garde-robe que l'on enfourche pour s'en servir. À l'origine, un bidet, c'est un petit cheval.
Et le verbe « bider » signifie « trotter ». Le parallèle saute aux yeux : on enfourche le bidet après l'amour ou après son passage aux toilettes. Il a des valves par lesquelles l'eau sort pour remplir la cuve, ou bien, dans sa version plus hygiénique, un robinet pour diriger l'eau sur les parties concernées.
Au 18e siècle, celui du libertinage, les aristocrates raffolent du bidet, et les artisans parisiens rivalisent d'imagination. Ce sont des objets splendides en bois précieux, dorés, laqués, incrustés et même sertis d'écussons des maisons nobles. La Pompadour, la du Barry et Marie-Antoinette en ont.
Le 19e siècle pose un regard plus suspicieux sur le bidet. À l'époque, l'hygiène corporelle fait pourtant l'objet de moult traités médicaux. Mais la mission est difficile.
Certes, le peuple doit se laver, mais doit-il se toucher là ? Le bidet, utilisé sans états d'âme dans les bordels, se heurte au puritanisme et garde son aura de vulgarité. Le souci de la propreté se confronte à la morale.
Il faut attendre le début du 20e siècle pour voir le fameux trio « baignoire, lavabo, bidet » trôner dans les salles de bains, encore rares en France. C'est en 1969, lorsque l'Union nationale des organismes HLM recommande d'en prévoir un dans chaque logement social, que le bidet prend enfin une place officielle. Mais il n'est toujours pas un objet comme un autre.
Aujourd'hui encore, des Français ne savent pas très bien à quoi ça sert. Ils se lavent les pieds dedans ou bien y trempent leur linge. Si !
J'en connais ! Ils ont fréquenté le bidet de leur enfance sans être éclairés par leurs parents, tétanisés à l'idée d'évoquer cuisses écartées et fesses à laver. Un tabou transmis de génération en génération.
Avec le temps, les ventes de bidets ont chuté. Pourquoi ? C'est simple : son ennemi numéro 1, c'est la douche.
Avant, pour ne pas prendre un bain par jour, le bidet était bien utile pour se laver juste les parties. La douche a mis fin à cela. Son ennemi numéro 2, c'est la machine à laver.
Eh oui ! Avec une machine à laver dans la salle de bains, il n'y a plus de place pour ce bidet dont personne ne se sert. Personne ?
Vraiment ? Pas si vite. Dans le sud de l'Europe, en Amérique latine, au Maroc, au Moyen-Orient, personne n'imagine vivre sans bidet.
Les grands hôtels français en restent d'ailleurs équipés pour ne pas décevoir leur clientèle étrangère et fortunée. Et depuis quelques années, on constate un curieux retour du bidet au sein des ménages français, et pas seulement pour l'hygiène : l'utilisation du bidet serait plus économe en eau que la production de papier toilette. Pour sauver la planète, ne jetez pas votre vieux bidet.
Trop tard ? Comme c'est dommage. .
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