Comment les marques manipulent nos sens ?

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Jouer avec nos émotions pour nous faire acheter des choses dont on n’a même pas besoin : c’est le bu...
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Que ce soit le désir, la peur, ou la nostalgie, l’objectif n°1 des publicités, c’est de nous procurer un maximum de sensations. Pourquoi ? Parce que 7 fois sur 10, nos achats sont déclenchés par nos émotions.
Et si vous pensiez être un consommateur rationnel, c’est faux. Selon ce professeur émérite de la Harvard Business School, 95 % de nos décisions d’achats sont prises de manière inconsciente. Et pour pénétrer dans nos cerveaux, les marques n’hésitent pas à manipuler tous nos sens, à commencer par le plus important d’entre tous : la vue.
Nos yeux nous permettent de collecter environ 70 % des informations sur le monde qui nous entoure. Et pour capter notre regard, les marques se servent d’un outil puissant : les couleurs, capable d’influencer notre comportement. À votre avis, pourquoi McDo, Lay’s, Coca-cola ou encore Kellogg’s utilisent le rouge ?
Car ça stimulerait l’appétit ! La couleur rouge a d’autres propriétés et ça, Ferrari l’a très bien compris. Si le rouge vif est utilisé pour afficher les promotions, ce n’est pas anodin : en marketing, cette couleur est utilisée pour créer un sentiment d’urgence qui pousse aux achats impulsifs.
Une étude a même montré que les serveuses qui sont habillées en rouge reçoivent de plus gros pourboires ! Merci beaucoup. Dans notre système plutôt occidental, le rouge va plutôt être associé à une certaine chaleur.
Ce qui fait que si je suis en face d’un vendeur qui porte du rouge, je vais le trouver plutôt chaleureux. Si c’est du bleu, je vais plutôt le trouver compétent. Ce n’est pas pour rien si Facebook, Skype ou encore Paypal utilisent la couleur bleue, également associée à la confiance, la stabilité ou encore la loyauté.
Ce qui explique aussi pourquoi cette couleur est beaucoup utilisée par les banques. Le noir, qui évoque le pouvoir, est lui plutôt associé à des articles luxueux et coûteux Bref, en marketing, aucune couleur n’est utilisée par hasard, notamment dans les magasins, où les couleurs froides vont augmenter la relaxation, alors que les couleurs saturées vont plutôt augmenter l’excitation. Ça va avoir un impact sur le comportement du consommateur.
Par exemple, vous avez l’impression que le temps va passer plus rapidement quand vous avez des couleurs froides parce que vous êtes plus relaxé et que vous perdez la notion du temps. Les couleurs peuvent même influencer notre perception du prix et de la qualité d’un produit. Combien êtes-vous prêts à payer pour cette télé sur fond rouge ?
Et pour cette télé sur fond bleu ? C’est la question qui a été posée à un panel de personnes lors d’une étude citée dans ce livre de Sophie Rieunier. Et les résultats sont fascinants.
ils ont estimé la télé dans la salle bleue à 458 $ et celle dans la salle rouge à 314 $, alors qu’il s’agit de la même télé. On met environ 90 secondes pour se faire une première opinion sur une personne. Pareil pour un produit.
Et entre 62 % et 90 % de cette opinion est fondée sur les couleurs. Mais pourquoi les couleurs nous impactent-elles autant ? Notre rapport émotionnel aux couleurs est ultra précieux pour les marques, qui disposent ainsi d’un raccourci direct vers notre cerveau, pour nous faire ressentir des choses dont on n’a même pas conscience.
Mais exploiter notre vision n'est pas suffisant. Pour accéder à notre inconscient, les marques passent aussi par un sens puissant puisque toujours en alerte : l’ouïe. Par exemple, est-ce que vous reconnaissez ce son ?
C’est le son que l’on fait quand on croque dans ces cornflakes. Et il est le fruit d’années de recherches. Le but de Kellogg’s, créer une expérience sensorielle unique pour rendre des générations de consommateurs loyaux et addicts à leur produit.
Avec un seul objectif : vous faire acheter, bien évidemment. Le son a aussi le pouvoir de déclencher un “craving effect”, soit en français un effet de manque. Par exemple, prenez ce son : Impossible de parler de l’ouïe, sans parler de la musique, qui a un effet spectaculaire sur nos comportements.
Cette étude a montré que si vous écoutez ça, vous aurez tendance à aller beaucoup plus vite en voiture et doubler deux fois plus que si vous écoutez ça. Eh bien dans votre supermarché, c’est pareil. En fonction du tempo de la musique, vous n’avez pas le même comportement.
Par exemple, vous allez circuler plus ou moins rapidement dans le magasin. Et à contrario, dans un fast-food, un tempo rapide vous fera manger plus rapidement. Et la musique peut aussi nous pousser à choisir un produit plutôt qu’un autre.
Bonjour madame ! Bonjour, Je vais prendre une capheirina s’il vous plait. - Tout de suite.
- Merci beaucoup ! Pendant deux semaines, des chercheurs ont diffusé de la musique française puis de la musique allemande au rayon vin d’un grand supermarché. Résultat : les jours où la musique française était diffusée, 77 % des consommateurs ont acheté du vin français et les jours où la musique allemande était diffusée, ils sont 73 % à avoir acheté du vin allemand.
L’objectif principal de notre cerveau, c’est de nous faciliter la prise de décision. Lorsqu’on lui propose des stimulations sensorielles cohérentes, il s’engage davantage dans la tâche et ça facilite l’action. On peut fermer les yeux et se boucher les oreilles, mais par contre on ne peut pas s’arrêter de respirer.
L’odorat, c’est le sens qui a le plus d’impact dans la manipulation de notre inconscient. Le but ultime des marques : c’est qu’on se souvienne d’elles. Et contrairement aux idées reçues, la vision est loin d’être la plus efficace pour ça.
Je suis dans l’Océan ! L’odorat c’est important en marketing parce que les aires anatomiques qui traitent de l’information olfactive sont très proches dans le cerveau des aires associées à la mémoire. Ce qui fait que par exemple, dans un domaine complètement différent, la perte de l’odorat est souvent considérée comme un précurseur de la maladie d’Alzheimer.
Selon une étude menée en 1967, on est capable de se souvenir de 99 % des images juste après les avoir vues. Mais quatre mois après, on ne s’en souvient que de 58 % d’entre elles. Alors qu’une autre étude menée en 1973 a montré qu’on était capable de se souvenir de 70 % des odeurs après une première exposition.
Mais un an après, on se souvient encore de 65 % d’entre elles. Ce qui est intéressant, c’est qu’une fois que l’information est passée en mémoire au niveau de l’odeur, elle y est de manière pas forcément définitive mais sur du très long terme. Vous êtes capable de vous rappeler de choses de votre enfance beaucoup plus anciennes grâce à l’odeur par rapport a des photos par exemple.
Et les émotions, forcément, ça peut déclencher un achat, comme l’a prouvé Martin Lindstrom lors d’une petite expérience. Mais utiliser des odeurs pour nous faire acheter, ça ne marche pas à tous les coups. C’est-à-dire qu’on a des seuils de perception et notamment d’inconfort qui sont très variables en fonction des personnes, des moments dans notre vie.
Donc c’est tellement variable, qu’on peut vite faire des impairs en mettant des odeurs qui sont trop fortes dans un magasin. En 2006, pour encourager les américains à boire du lait, des bandes parfumées aux cookies ont été collées sur les abribus de San Francisco. Les passants, importunés par l’odeur, se sont plaints et résultat, la ville a ordonné le retrait du dispositif 36 heures à peine après son installation.
Les produits laitiers ne sont pas les seuls à avoir essayé de manipuler l’odorat des gens dans des lieux publics. Il y a une campagne qui a été faite il y a quelques années par Dunkin’ Donuts en Corée du Sud. La stratégie de la marque c’était de dire : nous on n’a pas envie que les gens viennent uniquement chez nous pour acheter des donuts mais pensent aussi à nous pour acheter leur café.
Ils ont fait une campagne dans les bus de la ville de Séoul où à chaque fois que le jingle de la marque était diffusé à la radio, dans le bus était diffusée une odeur de café. Selon la marque, cette campagne a permis d’augmenter la fréquentation des Dunkin’ Donuts de 16 % et leur vente de café de 29 %. Sauf que cette campagne pose des problèmes éthiques évidents, pour la simple et bonne raison que les passagers n’étaient au courant de rien et ont donc été manipulés à leur insu dans un transport public.
Certaines enseignes vont même plus loin : selon un numéro de Cash investigation diffusé en 2012, Mcdonald’s aurait scanné le cerveau de mères de famille, la cible principale de McDo, à l’aide d’IRM, dans le but de développer une odeur artificielle. Des notes fruitées et florales ont donc été placées dans les produits d’entretien et cette odeur aurait augmenté les ventes de 7 %, selon la marque. Malgré les preuves de Cash Investigation, McDo France se défend d’avoir eu recours à cette technique de neuromarketing complètement illégale en France.
Vous vous engagez à ce que McDo n'utilise plus jamais de techniques de neuromarketing ? On est bien d'accord ? - Tout à fait.
Car chez nous, l’IRM doit être uniquement utilisée à but médical ou pour faire de la recherche. Mais ce n’est pas le cas en Belgique ou aux États-Unis où les marques peuvent scanner notre cerveau dans un but purement commercial. Mais, au final, est-ce que ça veut dire que les marques peuvent nous contrôler comme des marionnettes ?
Heureusement, c’est bien plus compliqué que ça. Le lien entre ce qui se passe dans mon cerveau quand je vois la publicité et mon comportement d’achat futur est assez distendu parce qu’il se passe plein d’autres choses entre temps. Mon état d’esprit actuel, j’ai chaud, j’ai froid, tous les gens qui peuvent être autour, ce que j’ai entendu ce matin à la radio, la culture, etc.
Tout ça crée un contexte qui, souvent, va influencer. En sachant tout ça, ça me rassure presque en tant que consommatrice, en me disant que finalament, c’est tellement compliqué que, bien malin celui qui dit “Toi, je vais t’influencer. ” Gardez en tête que vous avez toujours le choix et la prochaine fois que votre instinct vous pousse à acheter quelque chose, prenez 20 à 30 minutes de réflexion.
C’est le temps qu’il faut pour que notre cerveau rationnel reprenne le contrôle sur nos émotions.
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