Je suis sûr que vous ne savez pas exactement comment marche l’électricité. Et je parle même pas de choses compliquées comme du courant alternatif ou des transistors, non un truc simple : une pile, une ampoule. Qu’est-ce qui se passe vraiment au niveau physique, dans les fils électriques ?
C’est marrant, l’électricité est omniprésente dans notre vie quotidienne, et donc elle est logiquement enseignée assez tôt, dès la classe de cinquième en France. Mais on ne nous explique jamais vraiment comment ça marche, et ça a toujours l’air un peu mystérieux. Prenez le concept de tension.
Je me suis amusé à chercher une définition de la tension dans des manuels de physique de collège ou de lycée, et souvent le mieux que j’ai trouvé c’est « la tension c’est ce qui se mesure avec un voltmètre ». OK. Mais ça me dit pas ce que c’est physiquement ?
Pour se représenter le fonctionnement de l’électricité, on a souvent recours à des analogies, par exemple un liquide qui coule dans un tuyau, d’ailleurs on parle de « courant » électrique. Mais ces analogies sont parfois bancales, et ne nous éclairent pas forcément sur ce qu’il se passe au niveau microscopique dans les fils électriques. Aujourd’hui, je vais donc essayer de vous montrer qu’il n’est pas si difficile que ça de comprendre plus fondamentalement le phénomène de courant électrique.
Peut-être que vous pensez déjà le savoir, mais moi je peux vous dire que j’ai vraiment appris des choses en préparant cette vidéo. [jingle] Pour que le courant circule, on sait qu’il nous faut un matériau conducteur, généralement un métal. Pour commencer, on va se demander ce qui fait qu’un matériau, comme le cuivre par exemple, est bien adapté à conduire le courant électrique ?
[CUIVRE Si on examinait de près un morceau de cuivre, on verrait qu’il s’agit d’un réseau cristallin, avec des atomes arrangés de façon à peu près régulière. Le cuivre porte le numéro 29 dans la classification périodique, et possède donc 29 protons et 29 électrons. Et ces électrons sont en quelque sorte disposés en couches successives autour du noyau.
Les couches électroniques des atomes, c’est pas exactement comme des orbites de planètes, c’est une image. Mais ce qu’on sait, c’est que chaque couche a une capacité limitée. Au maximum 2 électrons sur la première, 8 sur la deuxième, 18 sur la troisième, 32 sur la 4e etc.
Et donc faites le calcul, avec ses 29 Ă©lectrons, le cuivre va entièrement remplir ses 3 premières couches, et avoir un seul Ă©lectron sur la quatrième. ] Cet Ă©lectron, du fait de son isolement et de son Ă©loignement, est beaucoup moins liĂ© que les autres au noyau de son atome. En pratique, c’est comme si les 28 premiers Ă©taient assignĂ©s à rester dans l’orbite du noyau, tandis que le 29e peut presque se balader et aller oĂą il veut.Â
C’est ce qu’on appelle parfois un électron libre. [MER Et donc si on regarde un morceau de cuivre dans sa globalité, on a d’un côté des atomes avec 29 protons et 28 électrons liés autour, donc des ions cuivre qui ont globalement une charge positive. Et de l’autre autant d’électrons libres qui peuvent se promener presque comme ils veulent, sans attaches particulières.
] On dit qu’on a une « mer » d’électrons libres. Et ce sont ces électrons qui, par leur mouvement, vont être responsables du courant électrique. [CHARGES On sait que globalement un morceau de métal est électriquement neutre.
Et donc en temps normal, si vous prenez une petite région du métal, elle devrait contenir en moyenne à peu près autant d’ions positifs que d’électrons libres négatifs. Mais comme la mer d’électrons libre peut bouger, si à un endroit on a, à un moment, un petit excès d’électrons libres, dans cette région le métal aura en moyenne une charge négative. Inversement si a cet endroit on a un petit déficit d’électrons libres, on verra apparaitre ici en moyenne une charge positive.
Quand, dans la suite, je mentionne des charges négatives ou positives à tel ou tel endroit d’un métal conducteur, c’est de ça dont on parle : un excès ou un déficit d’électrons libres par rapport à  la moyenne, qui assurerai la neutralité. ] Et donc, pourquoi et comment bougent-ils ces électrons libres ? Eh bien déjà , même dans un simple morceau de cuivre isolé, ils ont une vie plutôt turbulente.
En effet à température ambiante, le réseau cristallin est agité, soumis à des vibrations aléatoires, et donc les électrons libres s’entrechoquent sans cesse avec les ions positifs. C’est ce qu’on appelle l’agitation thermique. Et du fait de cette agitation, chacun des électrons se déplace en permanence à une vitesse énorme, de l’ordre de 1000 km par seconde.
Mais comme il y autant de collisions en moyenne dans un sens que dans l’autre, la mer dans son ensemble ne se déplace pas, on dit qu’elle est à l’équilibre. Et ce qui va nous intéresser, c’est justement quand ces électrons vont en moyenne acquérir une vitesse qui va déplacer la mer dans une certaine direction. C’est ce qu’on va appeler une dérive.
Et c’est l’existence d’une vitesse de dérive qui va être à l’origine du courant électrique. Mais justement qu’est-ce qui peut faire bouger les électrons en moyenne ? Qu’est-ce qui pourrait provoquer cette vitesse de dérive de la mer d’électrons libres ?
Eh bien il faut qu’on parle de la force électrostatique. [jingle] La force électrostatique, ou la force de Coulomb, c’est celle qui s’exerce entre deux charges électriques. Et son expression mathématique est quasiment la même que celle de la force de gravité.
[GRAVITÉ/COULOMB Souvenez-vous, la force de gravité qu’une masse A subit du fait de la présence d’une masse B, c’est le produit des masses divisé par le carré de la distance qui les sépare. Avec une petite constante devant qui est la constante de Newton. Eh bien la force électrostatique de Coulomb qui s’exerce entre deux charges, ça ressemble beaucoup.
C’est le produit des charges électriques, souvent notées q, divisé par le carré de la distance, avec là aussi une petite constante qui n’a pas d’importance pour nous aujourd’hui. La principale différence entre ces deux forces, c’est que les masses sont toujours positives, et la force de gravité toujours attractive. Alors que les charges peuvent être soit positives, soit négatives.
Et la force électrostatique est attractive pour des charges opposées, mais répulsive pour des charges de même signe, par exemple des électrons entre eux. ] Une hypothèse importante quand on utilise la force de gravité de Newton ou la force électrostatique de Coulomb, c’est qu’on considère que l’action à distance est instantanée. Si on fait apparaitre une charge électrique, son influence sur les autres charges sera reflétée immédiatement dans l’expression de la force électrostatique.
On sait que c’est une approximation. Dans le cas de la force Ă©lectrostatique, il y a des circonstances dans lesquelles on ne peut pas considĂ©rer la propagation comme instantanĂ©e, et donc il faut utiliser une thĂ©orie plus riche, l’électromagnĂ©tisme. Et l’électromagnĂ©tisme permet de comprendre que l’influence se propage en fait Ă la vitesse de la lumière.Â
Mais pour aujourd’hui on ne va pas vraiment en avoir besoin, on peut se contenter de la force électrostatique de Coulomb. [CHAMP ELECTRIQUE Si on regarde l’expression de la force électrostatique qu’une charge A ressent du fait de la présence d’une autre charge B, une chose pratique qu’on peut faire c’est scinder la formule en deux. On va isoler qA, la valeur de la charge A, et le reste, qu’on va appeler le champ électrique, et on va le noter E.
Et la force ressentie par A, ce sera simplement sa charge qA, multipliée par le champ électrique E. L’intérêt de cette notation, c’est de faire comme si ça se passait en deux étapes. D’abord la particule B crée un champ électrique en tout point de l’espace.
Puis A ressent ce champ, et subit une force égale à sa charge multipliée par la valeur du champ. Et on peut en quelque sorte oublier que c’est B qui a créé ce champ. Mathématiquement, cette écriture avec le champ électrique, ça revient strictement au même que l’expression de départ de la force électrostatique de Coulomb.
Mais c’est parfois utile de séparer conceptuellement les deux, et d’utiliser le champ électrique comme intermédiaire pour quantifier la force électrostatique. ] Le principal avantage de ça, c’est que dans certaines situations compliquées, on a plein de charges à plein d’endroits qui vont venir en influencer une qui nous intéresse particulièrement. Et pour simplifier, on peut oublier ces charges individuelles et résumer leur influence en regardant simplement le champ électrique qu’elles créent toutes ensemble.
Et pour calculer la force que notre charge subirait au milieu de tout ça, on a juste à multiplier par le champ électrique qu’elle ressent à cet endroit là . Notez que c’est la même chose qu’avec le champ gravitationnel. A la surface de la Terre, on sait qu’on a un champ de pesanteur de 9.
8 m/s^2, et on utilise cette valeur là  pour calculer le poids d’un objet. On s’amuse pas à écrire la force de gravité entre cet objet et chaque caillou qui compose la Terre. Le champ gravitationnel est un résumé de l’influence d’un grand nombre de masses individuelles.
Eh bien, de même, le champ électrique est un résumé de l’influence de plein de charges individuelles. [PLAQUES Une situation concrète que l’on rencontre souvent, c’est quand on a deux plaques qui se font face, et qu’on met plein de charges négatives sur l’une et plein de charges positives sur l’autre. Attention souvenez vous d’un truc, une charge négative dans un métal c’est un excès d’électrons par rapport à la moyenne, et une charge positive c’est plutôt un déficit d’électrons.
En pratique pour créer cette configuration, on pourrait venir piquer des électrons sur une des plaques, et venir les mettre de l’autre. Maintenant imaginez que je m’intéresse à  une charge en particulier située quelque part dans l’intervalle entre les deux plaques. Quelle force va-t-elle subir ?
En théorie il faudrait calculer un grand nombre de forces électrostatiques individuelles qui s’exercent avec chacune des charges des deux côtés. Mais en pratique on prend un raccourci, et on calcule d’abord le champ électrique. Et entre deux plaques chargées de cette façon, le champ électrique est très simple, il est uniforme, identique en tous les points et dirigé perpendiculairement de la plaque positive vers la plaque négative.
Du moins tant qu’on reste loin des extrémités des plaques. ] Cette situation avec deux plaques chargées qui créent un champ électrique uniforme, elle est très fréquente en physique, car c’est ce qui sert à accélérer des particules, par exemple dans un accélérateur de particules. [ACCELERATEUR Prenons un cas concret : deux plaques chargées qui créent un champ électrique E uniforme, et un proton, de charge positive q, que l’on place quelque part entre les deux plaques.
Ce proton va subir une force électrostatique égale à sa charge multipliée par le champ électrique. La gravité ici sera négligeable. Et si on applique le principe de Newton, somme des forces = ma, ou plutôt, l’accélération est égale à la force divisée par la masse, on trouve que l’accélération de notre proton va être égale à q fois E divisé par m.
Cette formule exacte n’est pas très importante, ce qui compte, c’est que comme le champ E est uniforme entre les deux plaques, notre proton se déplacera mais subira une accélération constante, la même tout le temps et partout. Donc sa vitesse va augmenter en permanence. Une accélération constante sous l’effet d’une force uniforme, c’est ce qu’il se passerait aussi dans un champ de pesanteur si vous ne subissez aucune autre force : en chute libre, on accélère en permanence.
] Et dans le cas des charges et du champ électrique, c’est en répétant ce genre de dispositif avec des plaques chargées qu’on arrive à accélérer des particules à des vitesses proches de celle de la lumière. [ELECTRON Un point important dans cette affaire, c’est que si je place entre les plaques non pas un proton mais une charge négative, disons un électron; évidemment il partira dans l’autre sens. Il va fuir la plaque négative et rejoindre la plaque positive, c’est-à -dire qu’il remonte le champ électrique.
] Je résume : deux plaques chargées, champ électrique uniforme et donc accélération constante si on met une charge entre les deux. Très bien, ça c’est dans le vide, si notre petite charge ne subit aucune autre influence. Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, on l’a dit, ce sont le mouvement des électrons dans un métal conducteur, pas dans le vide.
C’est quoi la différence ? [jingle] Imaginons un électron libre dans un morceau de cuivre, et supposons qu’on mette ce morceau entre deux grandes plaques chargées, comme on vient de le dire, de façon a créer un champ électrique uniforme. [CONDUCTEUR A cause du champ électrique, notre électron va subir une force électrostatique constante qui tend à l’accélérer en lui faisant remonter le champ.
Oui rappelez-vous, l’électron est chargé négativement, donc la force qu’il subit est opposée au champ électrique. Sauf qu’on l’a dit, avec la température ambiante, le réseau cristallin du métal est très agité, et donc notre électron libre est sans cesse en collision avec les ions positifs. Dans un métal typique, ces collisions peuvent se produire des millions de milliards de fois par seconde.
Et notre électron n’arrête donc pas de rebondir dans tous les sens comme une boule de flipper. Heureusement, le champ électrique lui redonne en permanence un peu de vitesse dans une direction spécifique. Mais à chaque fois les collisions le freinent ou le déroutent sans arrêt.
En moyenne, l’effet de ces multiples collisions permanentes, on peut le voir comme celui d’une force de frottement, qui vient s’ajouter à la force électrostatique due au champ électrique. Tout à l’heure je comparais l’accélération uniforme que donne le champ électrique entre deux plaques avec la chute libre dans un champ de pesanteur. Eh bien on peut continuer cette comparaison.
] [CHUTE LIBRE Dans une chute libre, à cause de l’atmosphère et des frottements de l’air, vous n’allez en réalité pas accélérer en permanence sous l’effet de votre poids. Les frottements augmentent avec la vitesse, et vont de plus en plus vous empêcher d’accélérer. Et vous allez atteindre ce qu’on appelle une vitesse limite.
C’est la vitesse à laquelle les frottements de l’air compensent exactement la pesanteur, et donc impossible d’aller plus vite. On peut calculer que cette vitesse limite est proportionnelle au champ de pesanteur, et pour la chute libre dans l’atmosphère, elle sera est de 200 à 300 km/h suivant la position que vous adoptez pendant la chute. ] [CONDUCTEUR Eh bien pour un électron dans un métal sous l’effet d’un champ électrique, c’est pareil.
Il subit plein de collisions, le champ électrique le pousse en moyenne dans une direction, et ce déplacement va atteindre une vitesse limite, qui est proportionnelle à  l’intensité du champ électrique. Le facteur de proportionnalité, on l’appelle la mobilité de l’électron dans le matériau. On la note souvent avec la lettre grecque mu.
Et cette mobilité dépend évidemment des caractéristiques du métal conducteur. Plus le métal est conducteur, plus l’électron ira vite pour champ électrique donné. ] Un point important dont il faut se rappeler, c’est que les électrons se déplacent à des vitesses instantanées énormes du fait de l’agitation thermique.
Et la vitesse limite dont on parle ici, c’est toujours la vitesse moyenne, la vitesse de dérive. Et c’est seulement cette vitesse de dérive qui est proportionnelle au champ électrique. Si on prend des situations concrètes, on peut calculer des valeurs typiques de ces vitesses de dérive, et ça tourne en général autour de quelques millimètres par seconde.
C’est très peu et c’est assez dingue comme résultat. Dans un morceau de métal, chaque électron pris individuellement a une vitesse qui peut être de l’ordre de 1000 km/s, mais en moyenne tout se compense. Et quand on applique un champ électrique, on peut arriver à faire dériver la mer d’électrons libres de quelques millimètres par seconde.
Ce que je vous ai décrit là : l’idée d’avoir des plaques chargées et donc un champ électrique qui fait dériver une mer d’électrons libres, c’est en gros ce qu’il se passe quand on branche une pile sur un fil conducteur pour créer un courant électrique. [PILE Le rôle de la pile est de maintenir le champ électrique qui met en mouvement les électrons libres, de les récupérer quand ils sortent à un bout, et d’en réinjecter à la place à l’autre bout. Et la dérive des électrons qui circulent, c’est ça le courant électrique.
Je l’ai dit, cette vitesse est proportionnelle au champ électrique, et le facteur de proportionnalité c’est la mobilité. Eh bien cette relation, v égale mu fois E, c’est en fait la loi d’Ohm. Ou du moins la version microscopique de la loi d’Ohm.
] Ca vous surprend peut-être comme affirmation car la loi d’Ohm, normalement c’est U=RI, ou une de ses variantes, genre I = U/R. Là quand je dis que la vitesse c’est la mobilité fois le champ électrique, je n’ai ni U, ni R, ni I. Et pourtant retenez bien ça, car on va voir que c’est la même chose.
Prenez ce qu’on appelle l’intensité du courant, notée I. C’est une grandeur macroscopique, dont on parle au niveau du circuit, et sa définition, c’est que c’est un débit de charges dans le fil électrique. [PILE Un débit, ça veut dire que vous vous placez en un point, vous faites une section du fil, et vous comptez par exemple la quantité d’électrons qui va franchir cette section en une seconde.
Alors nous ce qu’on a déterminé avant, ça n’est pas le débit mais la vitesse de dérive des électrons. Mais vous sentez bien que c’est en fait quasiment la même chose. Plus la vitesse est élevée, plus le débit d’électrons sera élevé.
A partir de cette vitesse, on peut déterminer le nombre d’électrons qui traversent la section du fil à chaque seconde, le débit d’électrons. Mais comme ce qui nous intéresse pour définir l’intensité c’est le débit de charge, il faut encore multiplier ça par la charge des électrons. L’unité de charge, vous le savez peut-être, c’est le Coulomb, noté C.
Et là notre débit de charge à travers la section s’exprime en Coulomb par seconde. Et le Coulomb par seconde, c’est cette unité qu’on a choisi de nommer « Ampère ». Le résultat de ça, pour ceux qui aiment les détails des formules, c’est que pour avoir l’intensité, il suffit de multiplier la vitesse de dérive par la charge q, la densité d’électrons n et la section du fil S.
Mais à nouveau, la formule n’est pas très importante, ce qui est important de retenir, c’est que la vitesse de dérive des électrons, c’est en quelque sorte l’équivalent microscopique de l’intensité du courant qui circule dans le fil. ] Un point important, on l’a dit, c’est que les électrons subissent des tas de collisions avec avec les ions du réseau, ce que l’on voit comme une force de frottement. Et comme quand il y a des frottements à notre échelle, ces collisions vont produire de la chaleur, c’est le principe de l’effet Joule.
Et ça va être intéressant de le quantifier au niveau microscopique. [jingle] [PILE Mettons nous à nouveau à la place d’un électron. Le champ électrique le fait accélérer, il prend de la vitesse et là , bam, il se prend ion du réseau.
Il se retrouve freiné, ça dégage de la chaleur. Heureusement le champ électrique est toujours là partout autour de lui et lui redonne de la vitesse. Il repart, et bam, nouvelle collision.
Et on recommence, et ça des milliards de fois par seconde. On voit que dans cette histoire, l’électron passe son temps à céder son énergie cinétique sous forme de chaleur; et le champ électrique passe son temps à lui en redonner. Entre le début et la fin de son trajet dans le fil, un électron n’aura pas vraiment changé de vitesse en moyenne, mais il aura passé son temps à faire des collisions avec le réseau, et à filer son énergie aux ions sous forme de chaleur, et à  s’en faire redonner par le champ électrique.
Donc en moyenne, toute l’énergie qui est dissipée sous forme de chaleur dans le fil provient en fait du champ électrique qui relance l’électron en permanence. ] Pour comprendre quelle est la quantité totale de chaleur cédée ainsi au métal pour un électron qui va d’un bout à  l’autre du fil, on peut raisonner à partir du travail de la force électrostatique. Vous connaissez peut-être ce qu’on appelle le théorème de l’énergie cinétique : la variation d’énergie est égale au travail des forces, c’est-à -dire le produit des forces multipliée par la distance parcourue.
[PILE Ici le champ électrique est uniforme, la force électrostatique est tout le temps égal à qE, où q est la charge de l’électron, et donc si l’électron parcours une distance L, le travail aura été égal à q fois E fois L. Et donc l’énergie dissipée sous forme de chaleur par le travail de la force électrostatique pour *UN* électron sur le parcours, c’est ça : q fois E fois L. Dans cette expression, E fois L, c’est ça qu’on appelle la tension, souvent notée U.
C’est le travail effectué le long du trajet, par unité de charge. Par unité de charge, ça veut dire que ça n’est pas vraiment une énergie, si on connait la tension, il faudra encore la multiplier par la charge q pour avoir une énergie. Donc une tension, c’est en fait une énergie, un travail effectué, par unité de charge.
] J’ajoute pour ceux qui font de la physique au lycée ou au-delà : on sait que le travail d’une force vient en général modifier une énergie potentielle associée. Et c’est pour ça qu’on appelle aussi parfois la tension : une différence de potentiel. C’est la variation d’énergie potentielle électrostatique entre un point et un autre du circuit, par unité de charge toujours.
Là on a raisonné sur l’énergie pour un électron. Maintenant si on veut connaitre toute l’énergie dissipée par tous les électrons qui circulent, il suffit de multiplier cette tension par la quantité d’électrons qui défilent dans la portion de circuit qui nous intéresse. Or on l’a dit, le débit des charges, c’est l’intensité.
[PILE Et c’est comme ça qu’en multipliant la tension par l’intensité, on trouve la puissance du courant électrique, qui dans un conducteur se dissipe par effet Joule. Et vous voyez que notre analyse au niveau microscopique permet de comprendre d’où vient cette formule P= U fois I qu’on nous balance en général sans explication. C’est le travail par unité de charge, multiplié par le débit des charges.
Et on comprend aussi ce que signifie cet effet Joule au niveau microscopique : c’est l’énergie cédée par les électrons sous forme de chaleur du fait des collisions. Une énergie qui leur est redonnée en permanence par le travail du champ électrique tout le long de leur trajet. Pour prendre une image, on peut dire que le champ électrique renfloue en permanence les électrons qui dilapident leur énergie dans les collisions.
D’ailleurs tout à l’heure je vous ai dit que la vitesse de dérive était proportionnelle au champ électrique, et que c’était ça, la loi d’Ohm microscopique, au niveau d’un électron. Puisqu’on a vu que la vitesse de dérive est reliée à l’intensité, et que la tension est reliée au champ électrique, on peut mettre tout ça ensemble et retrouver la vraie loi d’Ohm macroscopique qu’on connait, sous la forme I = U / R. Et pour ceux qui aiment les détails, on peut aussi relier la résistance à la mobilité et au caractéristiques du fil conducteur : sa longueur et sa section.
] Je suis conscient que tout ça, ça fait beaucoup de formules. Mais ce qu’il faut retenir, c’est 2 choses. D’un côté la vitesse de dérive des électrons est proportionnelle au champ qui les mets en mouvement, et que c’est une version microscopique de la loi d’Ohm I= U/R.
De l’autre, la tension est une mesure de la quantité d’énergie que les électrons vont acquérir, et céder, entre deux points du circuit, du fait de ce champ électrique, c’est le travail du champ électrique. Dans le dispositif que j’ai décrit, le rôle de la pile, c’est donc simplement de maintenir le champ électrique qui va faire dériver les électrons. Et comme le champ passe son temps à renflouer l’énergie cinétique des électrons, on peut comprendre que ça va lui demander du boulot à la pile, de faire ça.
[PILE Quand la mer d’électrons libres dérive un peu et qu’un électron atteint la plaque positive, il va neutraliser une charge positive de la plaque, et donc affaiblir le champ. Même chose de l’autre côté, puisque la mer dérive, elle laisse une charge résiduelle positive du côté négatif de la pile, et les charges de la plaque vont être attirées pour boucher le trou. Le job de la pile c’est donc de choper les électrons qui arrivent sur le pôle positif, et de les ramener sur le pôle négatif pour assurer la continuité.
Et on peut voir ça comme le mécanisme de fonctionnement d’une pile : pomper des électrons qui arrivent sur la plaque positive, et en réinjecter sur la plaque négative. Dans le cas d’une pile classique ça va se faire avec des réactions chimiques, mais c’est aussi d’une certaine façon ce que fait par exemple une cellule solaire. ] Alors tout cela est très bien, on a compris ce qu’est le courant, pourquoi la tension, l’effet Joule, la loi d’Ohm.
Mais dans le fond, le dispositif que je vous ai présenté là  est quand même un cas très restrictif. Je vous ai parlé de plaques chargées qui créent un champ électrique uniforme dans le fil, et je vous ai dit que c’est ce que faisait une pile. Sauf qu’en général, une pile c’est pas deux grosses plaques qui encadrent un fil électrique.
Et mĂŞme si c’était le cas il faudrait que les plaques soient plus grandes que le fil pour avoir un champ électrique bien uniforme. Et il faudrait que le fil reste bien droit et bien perpendiculaire aux plaques. Or en pratique une pile c’est un petit objet, le circuit peut-ĂŞtre long, s’éloigner de la pile, faire des virages.Â
On a l’impression que ce que j’ai raconté avec mon champ électrique bien uniforme n’a aucune chance de rester vrai en pratique. Eh bien pourtant ça l’est, le champ électrique est en permanence uniforme et bien orienté pour suivre la direction des fils du circuit. Mais pour comprendre comment ce miracle se produit, il faut creuser un peu.
[jingle] Prenons une pile, avec son côté positif et son côté négatif, et entre les deux, un fil conducteur qui a une certaine résistance. [CIRCUIT Avec un fil de cette forme là , on a a priori aucune chance que le champ électrique aille gentiment d’une borne à l’autre en suivant le trajet du fil. Comment est-ce qu’en étant si éloignée, la pile pourrait faire bouger des électrons qui sont à l’autre bout ?
Parfois pour expliquer ça, on imagine que ce sont les électrons qui vont se pousser les uns les autres. La pile se contente de déplacer les premiers, qui vont exercer une force sur les seconds, et ainsi de suite, comme un train qui serait poussé par une locomotive. ] Cette image, elle n’est pas tout à fait correcte, mais elle nous oriente dans la bonne direction.
L’idée importante ici c’est que la pile toute seule ne peut absolument pas maintenir un champ électrique uniforme partout le long du fil. Pour cela, elle doit faire en sorte que son influence soit, d’une certaine façon, relayée dans tout le fil conducteur. Mais la façon dont ça se produit est assez subtile, et rarement expliquée dans les livres.
[CHARGES Etudions ce qu’il se passe au voisinage du pôle négatif de la pile. Il faut s’imaginer que celle-ci essaye d’injecter des électrons dans le fil. Supposons que l’on observe une fine tranche du fil à cet endroit.
Cette tranche contient des charges positives fixes, les ions du cristal, réparties un peu partout et qui ne peuvent pas bouger. Je vais les représenter par une couleur rouge uniforme. En plus de ça, on a un certain nombre d’électrons libres qui sont des charges négatives.
Comme ces électrons se repoussent, il vont en moyenne se répartir de manière uniforme dans la tranche de fil électrique. Ca c’est ce qu’on a à l’équilibre. Maintenant imaginez que j’ajoute des électrons supplémentaires à plusieurs endroits, on a un excès de charge négative dans la tranche de fil.
Comme tous ces électrons peuvent bouger, et se repoussent, on peut montrer que cela va créer une réorganisation globale qui va pousser sur la surface les électrons qui sont les plus proches du bord. Cette réorganisation est extrêmement rapide, les électrons ont en fait à peine besoin de bouger. La conséquence, c’est que chaque fois qu’on essaye d’ajouter des charges en plus de celles nécessaires à l’équilibre, l’excès de charge va se retrouver presque immédiatement en surface du fil conducteur.
Et ça marche aussi dans l’autre sens. Si vous retirez des électrons par rapport à l’équilibre, ça produit en moyenne des charges positives résiduelles, et les électrons vont se réorganiser de façon à ce que ce déficit de charges négatives, et donc cet excès de charges positives, se retrouve en surface. ] Ce résultat est très important, et d’ailleurs on pourrait démontrer ça de façon plus rigoureuse avec ce qu’on appelle le théorème de Gauss.
Mais ce qu’il faut retenir, c’est que si on essaye d’ajouter ou de retirer des charges par rapport à ce qu’il faut pour être à l’équilibre, ces charges négatives ou positives excédentaires ne peuvent exister qu’à la surface du fil conducteur. Et si ça n’est pas le cas, les charges bougent et se réorganisent extrêmement rapidement pour y arriver. Ca veut dire que quand notre pile va commencer à injecter des électrons du côté négatif dans le fil, on peut faire comme si elle les injectait directement à la surface.
Pareil de l’autre côté, en prenant des électrons côté positif, elle va faire apparaitre des charges positives à la surface du fil conducteur. [GRADIENT Très rapidement ce qu’il va se passer, c’est qu’à la surface du fil on va trouver un dégradé de charges, un gradient qui va du négatif au positif, tout le long du fil. Et ce sont ces charges de surface qui vont ensuite créer le champ électrique à l’intérieur du fil, et elles vont le faire de façon à avoir un champ uniforme.
Donc pour expliquer le courant dans le fil, l’image des électrons qui se poussent les uns les autres n’est pas complètement fausse, mais ce sont plutôt les charges de surface qui jouent se rôle. Et elles ne le jouent pas par contact direct, mais à distance. Depuis la surface, elles vont influencer tout ce qu’il se passe dans le coeur du fil électrique, et mettre en mouvement la mer d’électrons.
Si on pouvait mesurer exactement ce qu’il se passe à la surface d’un fil conducteur qui relie les deux bornes de la pile, on verrait cette répartition des charges de surface dont le boulot est de relayer et guider le champ électrique. Et de façon surprenante, il s’agit de quantités de charges assez faibles. Pour bien comprendre les détails de cette répartition des charges de surface, on peut se demander ce qu’il se passe au niveau d’un coude du fil électrique.
A cet endroit là , vous voyez que pour suivre le fil conducteur, le champ électrique à besoin de passer de ça, à ça. Et ce changement est en fait opéré par les charges électriques de surface. Au niveau du coude, on a un excès de charge négatives à l’extérieur du virage et même quelques charges positives à l’intérieur, qui vont permettre de faire tourner le champ électrique.
Et cela va donc modifier la trajectoire des électrons qui seront localement repoussés par cet excès de charges négatives. ] Donc dans un circuit électrique, les charges de surface s’organisent de façon à assurer que le trajet du champ électrique suive exactement la forme du fil. Et là vous vous dites peut-être, mais comment elles font pour s’organiser comme ça ?
Qui leur dit qu’il faut aller ici ou là ? Eh bien la beauté de la chose, c’est que ça se fait tout seul. [COUDE Imaginez un fil électrique rectiligne, avec ses charges en surface, son champ électrique, et supposez que je fasse soudainement faire un coude à ce fil.
Disons que je fais ça de façon instantanée. Au départ, le champ électrique au niveau du coude ne va pas réagir, et les électrons vont continuer tout droit comme si de rien n’était. Mais arrivés en surface au niveau du coude, ils n’auront nulle part ou aller, et ils vont s’accumuler sur l’extérieur.


En s’accumulant, ils vont modifier le champ localement, influencer les électrons suivants et les repousser légèrement de façon à ce que ceux-ci prennent le virage. Et très rapidement le truc va s’équilibrer avec juste la bonne quantité de charges de surface pour que le champ électrique tourne comme il faut. ] Il y a ce qu’on appelle un mécanisme de rétro-action, qui fait que les charges se reconfigurent automatiquement si on change la forme du fil.
Et il se passe la même chose si soudainement on passe d’une région plus conductrice à une région moins conductrice. Depuis le début, je considère le cas simple d’une pile reliée à un fil conducteur, qui certes conduit le courant mais a quand même une petite résistance. Dans un vrai circuit on va vouloir mettre différent composants.
Par exemple qu’est-ce qu’il se passe si au milieu d’un fil conducteur, on met une lampe à incandescence, qui n’est finalement qu’un filament avec une résistance plus élevée que celle du fil de cuivre. [RESISTANCE Imaginez une portion de mon fil de cuivre conducteur avec son dégradé de charge d’un bout à l’autre, et donc un champ électrique uniforme, identique en tout point du circuit. Et les électrons libres ont une vitesse de dérive qui remonte le champ, et qui est la même partout.
Maintenant supposez que soudainement, j’insère une portion de résistance plus élevée. Au départ le champ électrique sera identique, mais si la mobilité est plus faible dans cette résistance, la vitesse des électrons y sera moins élevée, et il y aura moins de débit à l’intérieur. Des électrons libres vont donc s’accumuler à  l’entrée de la résistance, on aura un excès de charges négatives.
Inversement à l’autre bout, les électrons qui sont dans le fil vont s’en aller et ne pas être remplacés assez vite par ceux qui sortent de la résistance, et ça va donc créer un déficit d’électrons, et donc une charge positive. Comme on l’a vu tout à l’heure, ces accumulations de charge vont rapidement migrer en surface, et donc modifier le champ électrique à  l’intérieur de la résistance. Puisqu’on ajoute des charges aux extrémités, on renforce le champ électrique à l’intérieur, donc on augmente le débit des électrons.
Inversement à l’extérieur de la résistance, on atténue le gradient de charge qui existait, donc on diminue le champ électrique, et le débit d’électrons dans le fil. Peu à peu, les charges de surface vont donc se réorganiser et l’essentiel du dégradé des charges va se retrouver à  l’intérieur de la résistance, jusque’à ce que le débit d’électrons soit le même partout. Et c’est comme ça qu’on aura un champ électrique faible et donc une tension faible dans les fils conducteurs.
Tandis que le plus gros du champ électrique, et donc de la tension, sera concentré dans la résistance. Mais l’intensité, le débit de charges, sera identique en tout les points. Avec ça, on retrouve bien le résultat familier en électricité qui est que, si on met une résistance faible et une résistance forte en série, l’essentiel de la tension, du travail du champ électrique, sera aux bornes de la résistance forte.
] Cet aller-retour entre les électrons et le champ, et ces mécanismes de rétroactions, font que les charges en surface s’organisent toujours de la bonne manière : celle qui permet d’assurer l’uniformité du courant dans le circuit. Et c’est par ces mécanismes que les circuits « savent » comment répartir leur tension et leur intensité en fonction des composants qu’on y trouve. Cette phase de réorganisation est toujours extrêmement rapide, mais si on regardait de façon détaillée, on verrait qu’elle se produit dans le circuit, à la vitesse de l’influence des forces électrostatiques, c’est-à -dire en réalité à la vitesse de la lumière.
Et c’est comme ça que quand on allume une ampoule, même si la vitesse de dérive des électrons est très lente, on l’a dit quelques millimètres par seconde, l’information qui fait circuler le courant, elle, se propage à la vitesse de la lumière. Et notre lampe s’allume quasi instantanément. Heureusement, s’il fallait attendre que la vitesse de dérive fasse son job à quelques millimètres par seconde, il faudrait de longues minutes avant d’avoir la lumière quand l’allume.
Voilà c’est tout pour aujourd’hui, j’espère que ça vous aura donné une meilleure compréhension de ce qu’est vraiment le courant électrique, son origine microscopique, comment il se propage et comment les circuits électriques font pour toujours se mettre dans un état où les courants et les tensions respectent les lois macroscopiques que l’on connait. N’oubliez pas de me retrouver sur le serveur Discord de la communauté, le lien est en description. Pareil pour le billet de blog qui accompagne la vidéo, et donne quelques détails supplémentaires, et moi je vous dit à  très vite pour une nouvelle vidéo.
A bientĂ´t !